vendredi 22 juillet 2011

Un autre pays


Si tout va bien, demain, le 18, nous quittons le Canada et nous nous retrouverons officiellement en terre étrangère.  Je dis officiellement, car nous sommes déjà en terre étrangère depuis plusieurs milliers de kilomètres.   Nous avons traversé le Canada en 24 jours et parcouru 5808 km entre Montréal et Vancouver. 

L’Ontario, tout d’abord, m’a surpris.  Je l’ai trouvé plus près du Québec que ce à quoi je m’attendais.  Les gens nous ressemblent plus que ce que je pensais, le relief, les montagnes, les lacs et rivières, on se croirait chez nous.  Les gens de Thunder Bay, entre autres, par leur côté nordique et qui semblent fiers de leurs racines de coureurs des bois, à la fois françaises, anglaises et amérindiennes ne sont pas sans rappeler nos régions du Québec. Bon, c’est sûr qu’il y a aussi des différences, le Baseball est omniprésent, alors qu’il semble avoir déménagé du Québec avec les Expos, et on ne boit pas au Canada Anglais comme au Québec.  Ma première expérience dans un beer store est d’ailleurs éloquente.  D’abord, impossible de s’acheter de la bière dans un dépanneur ou dans une épicerie, il faut un beer store.  Et même dans ce beer store, on ne voit pas la bière.  Est-ce tabou, est-ce qu’être exposé à la bière pourrait être dangereux ?  Quoiqu’il en soit il faut déambuler devant un mur de cannettes vides décolorées représentant les bières disponibles, au côté desquelles de minuscules écritures indiquent  le prix pour six, douze, quinze, dix-huit, vingt- quatre.  (Et soit dit en passant le prix aussi est « étranger », une caisse de douze coûte 23 dollars !). Ensuite, il faut passer devant un petit comptoir, encore moins invitant qu’un comptoir de la saaq et dire ce qu’on veut.  On paye. Puis le commis dit à un second commis ce que le client désire, il s’en va dans l’arrière boutique et la caisse arrive enfin sur une longue rampe à rouleau…  Bref, la dernière fois qu’acheter de la bière fut si éprouvant, je n’avais pas l’âge de la boire… 

Puis il y eut le Manitoba, et la Saskatchewan, où les paysages deviennent de plus en plus plats et plus on s’éloigne vers l’ouest, plus on semble s’éloigner (et pas seulement géographiquement !).  Jusqu’en Alberta.  Des champs à perte de vue où les puits de pétrole sont semés tout au long de la route.  Des pick-ups.  Nous avons fait le décompte, et sur un échantillon de 100 véhicules, il y a entre trois et quatre petits camions pour une automobile.  Tout le monde a sa roulotte, son motorisé, son fifth wheel.  Nous avons remarqué de très nombreuses maisons décrépites devant lesquelles un pick-up rutilant était stationné, avec un fith Wheel (ou une roulotte) et deux chevaux. Dans les campings, on compte environ une tente pour dix VR. Le recyclage n’existe pas en Alberta, même dans un parc comme Banff, qui est sensé protéger la nature. Partout on ne parlait que de la visite du nouveau couple royal. Nous étions au pays des cowboys. 


Jeux de plage dans le parc Jasper
Traverser le Canada jusqu’en Alberta, c’est aussi un peu comprendre pourquoi les Québécois et les gens qui élisent Harper se comprennent si mal.  On se sent vraiment dans un autre pays.  Souvent je me suis surpris à constater que j’avais beaucoup plus en commun avec les gens de la Nouvelle-Angleterre (Vermont, état de New-York, New-Hampshire, Massachussets) qu’avec les Albertains.  Pas surprenant que ce pays semble souvent si difficile à gouverner.  Et encore je ne connais ni Terre–Neuve, ni le Yukon, ni les Territoires du Nord-Ouest, ni le Nunavut !


Wapiti dans le parc Jasper

Qu’allait nous apporter comme surprise la Colombie-Britannique ?  D’abord les plaques de char, en Colombie-Britannique, ne parlent pas seulement d’un souhait comme au Québec : Beautiful British Colombia, on ne pourrait pas mieux dire.  Les 700 km de la route du Nord, de Jasper à Kamloops, puis en continuant par le Nord jusqu’à Vancouver, par la sea to sky highway, vaut à elle seule la traversée du Canada.  D’abord on quitte les glaciers et Jasper, et on se retrouve au mont Robson, moins de glaciers, toujours de la neige éternelle, mais des gorges profondes où réapparaissent des forêts touffues, paradis des orignaux.  Et on descend toujours, suivant des torrents de plus en plus intenses, les pics sont moins vertigineux mais la nature reprend ses droits, les cultures, élevages et Ranch réapparaissent jusqu’au lac Kamloops, perle dans ce pays aride et si peu habité. Puis en remontant vers le nord, les montagnes reprennent de plus belle, nous offrant une des routes les plus belles et sans aucun doute la plus dangereuse que je n’ai jamais conduite (en attendant les Andes). Descendre des côtes de 11 % pendant des kilomètres et des kilomètres à 20 à l’heure pour ne pas prendre le champ (pardon le précipice), ça fait chauffer les pneus. L’odeur du caoutchouc brûlé nous a d’ailleurs suivi pendant deux bonnes heures.  Puis, enfin, à partir de Whistler, la sea to sky highway  nous amène, avec ses montagnes se jetant directement dans des fjords, l’autoroute suspendue aux bords des montagnes, jusqu’à Vancouver.  Ici la nature n’a plus rien à voir avec ce qu’on voyait depuis 2000 km. Mais ce n’est pas tout.  Si depuis deux mille kilomètres, nous cherchions tant bien que mal des Rest Area tous décevants, la Colombie-Britannique, c’est autre chose.  Les Parcs provinciaux sont partout, à tous les dix kilomètres, sur l’autoroute, une aire de pique-nique ou de camping apparaît le long d’une rivière ou d’une falaise.  Ici, le pays semble appartenir à ceux qui l’habitent, les gens de la Colombie-Britannique ne semblent pas comme nous avoir ce besoin irrépressible de vendre la terre au plus offrant pour qu’il rase tout pour y construire des condos ou autres centres d’achats.  La nature semble être une religion. Même à Vancouver, les parcs provinciaux sont partout. Il y a plusieurs kilomètres de plage au centre-ville.  Dans ce même centre-ville, il y a des voies réservées aux vélos dans deux rues sur trois, (j’ai compté), et en banlieue, tout le monde fait du jogging.  La ville de Vancouver est belle, le développement urbain y semble réfléchi. Les gens mangent beaucoup mieux en Colombie-Britannique que chez nous. Il n’y a pas d’obèse. Tous ont l’air pimpants de santé.  Bref, la Colombie-Britannique aurait de sérieuses leçons  à donner au Québec.  On a si tendance à se croire les nombrils du monde, à se croire une société distincte, à l’avant-garde, respectueuse de l’environnement et quoi encore.  Faudrait décidément aller voir ailleurs ce qui se fait.
Sea sky highway

Mais malgré tout, la Colombie-Britannique a un je ne sais quoi de strict qui peut surprendre ( du moins j’ai été surpris).  Comment expliquer…  C’est comme s’il manquait une certaine touche de nonchalance si répandue chez nous…  Un exemple ?  Au Folk Fest de Vancouver, où Marc jouait, si on voulait boire une bière sur le site, il fallait entrer dans un enclos clôturé par une clôture de six pieds, gardé par des gorilles qui vous demandait votre carte d’identité pour que vous ayez droit à seulement vous mêler aux dangereuses bêtes débauchées.  Ces mêmes gorilles vérifiaient également scrupuleusement que l’on ne sorte pas avec une goutte d’alcool qui aurait pu débaucher les honnêtes citoyens de l’autre côté de l’enclos.   Autre exemple ?  Dans les festivals de Folk au Québec, un des plus grands plaisirs de ces festivals, c’est les jams, des musiciens qui se rencontrent par hasard sortent leurs instruments et jouent, ensemble, gratuitement, pour rien, sinon pour le partage, pour le plaisir.  Où étaient les jams au Vancouver  Fest?  Pas sur le site en tous cas. Bref, même à Vancouver, on est dans un autre pays !

Plage à Vancouver
Alors comme je disais, au revoir Canada, vous m’en donnerez des nouvelles, du moins de notre part du Canada qui s’appelle le Québec.  Nous, nous voyagerons désormais plein sud, et c’est sans regret que nous le ferons.  La température est froide et pluvieuse depuis notre départ (à part les prairies où nous n’avons fait que rouler, une journée ensoleillée à Jasper et une autre au lac Huron). Nous ressentons donc un grand besoin de temps plus chaud et de soleil !  Prochain grand arrêt : la Californie.

2 commentaires:

  1. Je vous suis religieusement. Merci J-F pour ce beau texte et les photos adorables. Je m'ennuie tellement de vous.

    Josée

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  2. Quelle aventure et quelle verve!!! Je vous suis avec grand intérêt. J'ai déjà hâte au récit des autres Amériques...

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