mercredi 25 juillet 2012

Ça sent la fin...

Cette chronique sera-t-elle notre dernière? (Ou peut-être l’avant dernière). Notre « grand voyage de un an » comme l’appelle Élias, se termine dans deux jours… On doit avouer qu’elle est pas mal difficile à écrire… Par où commencer ? Que raconter ?

L’arrivée à Rio s’est faite assez facilement. Suivant les conseils des autres voyageurs, et les autoroutes de quatorze voies aidant, nous sommes tout de suite allés nous stationner au pain de sucre (Pao de Azucar).  Comme on y arrivait, le soleil est apparu, après presque 10 jours de grisaille de et pluie… Alors on a décidé d’en profiter et on a commencé l’ascension du mont Urca, collé sur le Pain de sucre.  Sur le sentier, on a pu observer  plusieurs ouistitis, qui ont fait le bonheur des enfants…  Rendu au morro de Urca, le soleil se couchait déjà, et on voyait peu la ville, on décide que le Pao de Azucar sera pour le lendemain.  Le lendemain, on grimpe encore la première portion du morro de Urca et cette fois on continue en téléphérique jusqu’au Pao de Azucar.  Et Rio nous apparaît dans toute sa splendeur, une série de baies séparées par des pics montagneux et des immeubles blancs, c’est vraiment de toute beauté et nous avons hâte de nous lancer à la découverte de cette ville.



La découverte de cette ville ne tardera pas…  Nous avons décidé, pour notre dernière semaine de voyage, de se gâter et de louer un appartement, pour nous permettre de vider et nettoyer tranquillement Bertha avant la vente. On doit se rendre à notre appartement entre dix et onze heures.  Notre contact, Alex, nous dit lorsqu’on l’appelle qu’il sera là à onze heures quarante-cinq.  Bon, ça fait pas trop notre affaire, mais on mourra pas pour une heure.  On arrive finalement à notre appartement.  Pas d’Alex, on se stationne sur les clignotants dans une voie réservée aux autobus en plein Rio, ce n’est pas spécialement confortable.  Mais quoi faire d’autre, toutes les autres rues semblent tout aussi bordéliques…  Il arrive finalement à midi quinze.  Et on constate qu’il est bien acclimaté au rythme brésilien, ou peut-être habitué à faire affaire avec des Brésiliens…   Toujours est-il que ses explications sont affreusement longues, et avec des enfants mourant de faim et de chaleur, vous devinez que quarante minutes pour un check-in, on trouve ça long.  Le plus beau dans tout ça, c’est qu’aussitôt rentré, je ressors, faut quand même stationner notre grosse Bertha.

Je l’ai sans doute déjà écrit, mais je le redis : cette ville est un véritable cauchemar pour les automobilistes :  je tournerai en rond durant trois heures pour me stationner !  J’arracherai au passage le miroir d’une belle Mercedes…  la conductrice me dit que son miroir vaut 500 dollars.  J'en crois pas mes oreilles. Je me demande pourquoi y a-t-il fallu que je scrappe un char de luxe, j’aurais pas pu scracher une vieille Datsun dont le pare-choc tient avec du duck-tape ?  Évidemment non.  Bref on s’entendra sur 250 dollars.  Je stationnerai à quarante cinq minutes à pied. (Si quelqu’un est assez fou pour venir en automobile à Rio, je vous donne le tuyau, on se stationne soit au Pao de Azucar soit au Lagoa de freitas).  J’arrive finalement à quatre heures trente, et je trouve ma Christine presque en larmes (en fait avec les larmes bien essuyées pour pas que les enfants voient). Elle me dit ensuite que quinze minutes plus tard, elle appelait la police et l’ambassade.  Elle s’imaginait déjà annoncer à mes parents que leur fils ne reviendrait pas au Canada…  Rien de tout ça en fait, le trafic de Rio n’est que cauchemardesque, rien de plus.  Bref, l’arrivée dans notre appartement à Copacabana, n’aura pas été de tout repos.

Le fameux board-walk de Copacabana
Mais nous nous revengerons les jours suivants en profitant autant que possible des quartiers Copacabana et Ipanema. Notre appartement étant situé à la pointe des deux. On y découvre un Rio de Janeiro merveilleux.  Moi et Christine avons toujours été allergiques au plages bondées.  Mais Copacabana et Ipanema, même bondées, et peut-être en partie parce qu’elles le sont, sont magnifiques, incroyables, mais c’est surtout l’ambiance qui vaut le détour. Le matin les joggeurs, le midi, les familles ou les couples qui prennent une petite marche avant d’aller travailler, la fin d’après-midi, les surfeurs arrivent et/ou on fait du skate sur le board-walk, et le soir, c’est la cohue sur le même board-walk…  On y a pas été pendant la nuit, mais ça doit sans doute aussi valoir le coup.
Plage d'Ipanema
Images de Copacabana
Mais Rio est aussi un monstre de développement urbain, on se croirait à Montréal mais en dix fois pire.  En 2005, un président (je ne nommerai pas Lula parce que tous les gaugauches vont me donner des coups de pied à mon retour, oups, je l’ai nommé) jugea que le développement économique du Brésil passait par l’obtention pour tout un chacun de son propre char.  Rio est donc écrasé sous le smog, le transport en commun est inefficace et cher, les rues sont dangereuses : les Brésiliens nous disent de ne jamais traverser à une intersection, c’est trop dangereux car les voitures arrivent de tous les côtés, il est beaucoup plus prudent de traverser la rue en courant comme des débiles avec trois enfants en bas de six ans (je ne blague pas, on m’a vraiment conseillé de faire ça).

On découvre aussi la grande politesse des Brésiliens (c’est une blague).  Je ne compte plus les fois où les enfants se sont fait plaquer sur les trottoirs parce qu’ils marchaient trop lentement ; ou encore dans le métro.  En effet, non seulement on ne se lève pas pour laisser les places assises aux enfants, mais on les poussent pour pouvoir s’asseoir avant eux.  Disons que le moins qu’on puisse dire c’est que la différence avec les Argentins est frappante.

Mais à part la bêtise de quelques (plusieurs ?) cariocas (habitants de Rio), Rio est incroyable, elle porte bien son nom de « la ville merveilleuse ».  Mais dépêchez vous d’y aller, au rythme où les voitures semblent y affluer, il y sera peut-être impossible d’y marcher sans masque d’ici quelques années…

Mardi le 24 juillet, nous avons rencontré Douglas, Élizete et Nicoly pour leur remettre notre chère Bertha.  Après quelques explications, nous leur avons remis les clés de Bertha et sommes partis le cœur gros. Élias, en larmes, répétait : « moi je ne veux pas abandonner Bertha ! Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas rapporter Bertha chez nous ! »,  Ariel  criait en pleurant «  non Douglas, débarque ! C’est notre Bertha à nous ! » et Théo, qui se bat sans cesse avec tout le monde depuis 3 jours, était silencieux...

Plus qu’un véhicule, Bertha aura été pour nous, pendant notre périple, notre sécurité, notre refuge, notre repère… Malgré ses caprices et les soins constants qu’elle nous a demandé, elle nous a mené partout où on le lui a demandé, parcourant 50 000 km à travers 18 pays.  Elle a affronté la chaleur et les topes (dos d’âne) du Mexique, le sable sur les plages d’Amérique Centrale (où elle s’est embourbée deux fois), la saison des pluies au Guatémala, les Andes avec leur altitude et la neige, les grands vents de la Pantagonie et les moustiques de la jungle.  Comme tous les voyageurs au long cours, nous avons craint la grosse panne, qui nous immobiliserait pendant plusieurs jours et demanderait plusieurs mécaniciens… Mais non, malgré qu’elle nous ait demandé presque autant d’attention et de soins que nos trois enfants, Bertha aura somme toute été fiable et fidèle.  C’est avec un sentiment ambivalent qu’on la regarde s’éloigner à travers la vitre du taxi… Bien qu’on est heureux que la transaction se soit bien passée et de lui avoir trouvé une nouvelle famille, on est aussi déjà nostalgiques.
Un an plus tard...
L’après-midi, on affronte le centre-ville de Rio à la recherche de valises pour les enfants.  On les trouve finalement à Saara, un quartier complet transformé en marché.   Les rues ne sont pas officiellement piétonnes, mais aucun véhicule n’y roule.  Un immense marché aux puces d’un kilomètre carré.  Et le lendemain, on effectue une visite au fameux Christ blanc qui surplombe Rio.  Si c’est rempli de touristes, la vue est néanmoins magnifique.














Mercredi soir…  le 25.

On part demain.  Les valises achetées la veille sont désormais remplies.  Les enfants dorment.  Christine et moi remplissons les dernières valises, le départ est pour demain.

Il nous reste une dernière journée de plage à Copacabana, demain.  Ensuite l’avion.  Le long vol.  Puis le retour.

On aurait aimé publier un bilan de notre voyage, un grand message de conclusion… Mais on se rend compte que tout est encore trop frais pour nous, qu’écrire un bilan c’est aussi admettre que c’est complètement fini… Alors on n’a pas pu.  Mais on vous le promet, très bientôt. Très très bientôt.

samedi 21 juillet 2012

Le Brésil ou les vacances des Patapoufs

Bon, faut le dire tu-suite, l’entrée au Brésil me stressait un peu.  Comme l’entrée au Mexique, ou je stressais absolument pour rien, ou celle du Pérou, où je ne stressais pas complètement pour rien.  Je ne sais trop pourquoi.  Trop de livres ou de films genre la cité de Dieu ? ou trop de films pouiches sur la traite d’organes au Brésil ?  La réputation d’un pays qui a parmi les plus grands écarts de revenus de la planète ? ou simplement le fait que je ne parle pas portuguais ?  Sans doute l’ensemble de ces réponses, et bien d’autres sans doute.

La douane s’est passée étrangement bien et on s’est dirigés vers le camping recommandé par le Lonely Planet…  Première réaction : on va se faire plumer si on court les campings au Brésil : 30 piastres pour dormir dans un stationnement, disons qu’on avait oublié ces tarifs depuis longtemps. 

L’entrée au Brésil concorde aussi avec une nouvelle pièce qui brise dans Bertha : la pompe à eau !  Disons que ne pas avoir d’eau courante dans une maison, même mobile, c’est un brin moins confortable.  Donc, je fais mon bon homme de la maison et je regarde la pompe sous tous ses angles, mais faut avouer que je ne m’y connais pas trop en pompe  à eau de bateaux ou de motorhomes.  Mais ce que je vois bien cependant, c’est que tout semble normal et qu’il faudrait démonter la pompe pour trouver la pièce défectueuse.  Mais bon, je sais que je suis au Brésil, et les chances que je trouve la pièce manquante, avec mon portuguais pratiquement inexistant, sont aussi inexistantes.   Plan B : on écrit en catastrophe à Douglas (Douglas est le Brésilien qui achète Bertha, vous aurez les détails dans quelques lignes) : « Donne-nous les coordonnées de ton ami qui répare les roulottes, notre pompe à eau est caput ! »  Chance inouïe, il nous répond dans l’heure et nous dit d’aller au Paraguay.  Foz de Iguacu est la ville frontalière brésilienne avec l’Argentine et le Paraguay.  Seul hic, ça prend un visa pour aller au Paraguay, et je dois le demander à partir du Canada... Mais Douglas me rassure (en partie) en me disant que Ciudad del este, la ville frontalière paraguayenne, est davantage un méga centre commercial qu’une ville, et qu’ils se foutent de mon visa, ils veulent mon fric.  Il me dit en passant de ne pas y amener  Bertha et de préférence pas les enfants non plus, ce n’est pas particulièrement une ville recommandable.  Bon. Alors donc, je ne suis rassuré qu’à moitié…  Mais demain, Ciuadad del este m’attend (faut quand même faire son homme une p’tite fois de temps en temps).

En arrivant à la frontière, je comprends ce dont Douglas parlait : il faut fermer les fenêtres et barrer les portes parce que les gens qui cherchent des clients pour leur stationnement, ou pour nous vendre leurs bébelles sautent sur Bertha, et ce n’est pas une façon de parler.  Bref, je ne me sens pas particulièrement en sécurité et après avoir laissé la petite famille dans un stationnement, je traverse seul le pont qui enjambe la rivière-frontière.  Première surprise, la douane paraguayenne n’est qu’une façade, il est entendu que tous entrent à Ciudad del este comme dans un moulin : je ne croise donc aucun douanier, et je me convainc que c’est normal…

L’arrivée au Paraguay est renversante, la ville au complet semble être ce qu’en disait Douglas : un centre commercial. Il y a bien sûr les centres commerciaux comme on les connaît chez nous mais surtout, ce sont ici les rues qui sont des magasins.  Si bien que certaines rues n’existent plus pour la circulation automobile, alors que dans d’autres les taxis se faufilent  entre les motos, vélos,  camions de livraison,  stands à hot-dogs, et tous ceux qui vendent leur marchandise à même le sol, sans compter les piétons…  je n’ai jamais vu une telle folie marchande.   J’y trouverai très rapidement la pompe que je cherchais, et je ressortirai aussi vite du Paraguay que j’y serai entré : disons que l’heure n’était pas tant au shopping qu’à rassurer  ma Christine qui se demandait un peu dans quelle gueule de loup j’étais allé me fourrer.  Bref, j’aurai passé deux heures au Paraguay, y aurai acheté une pompe à eau, tout ça sans y être officiellement entré ni sorti, tout en étant sorti et rentré au Brésil…   Et le plus beau dans toute l’histoire, c’est que quelques heures plus tard, nous avons de l’eau courante dans Bertha !

Le même après-midi, nous irons au parc des oiseaux de Foz de Iguaçu.  Les Toucans se laissent flatter par les gars, et on peut voir toutes sortes d’oiseaux, entre autres des perroquets très rares à quelques mètres…  Belle visite où je me rends compte de tout le changement opéré chez mes trois tarzans.  En effet, si au début du voyage, je leur disais : « Regardez, un oiseau ! » , je méritais un regard qui aurait voulu dire : (dix ans plus tard) « full poche p’pa ! »  Alors que maintenant les oiseaux sont un événement en soi.  C’est fou comme la nature peu être si ennuyante, et quelque mois après, si fascinante.


Le lendemain, ce sont les chutes d’Iguaçu, côté Brésil, qui nous attendent.  Pour une si grosse attraction, le parc est vraiment mal foutu, il est mal desservi et on se rend uniquement aux chutes avec les autobus du parc, de sorte qu’on a toujours l’impression de marcher sur les pieds d’un autre touriste.  Mais ceci dit, encore une fois, le jeu en vaut la chandelle, particulièrement la promenade au milieu des chutes.  À un certain moment, on a la chute qui semble nous tomber dessus d’un côté et de l’autre, c’est nous qui semblons tomber dans la chute ;  et un arc-en-ciel à 360 degrés qui fait le tour complet de nous…  Le spectacle est encore saisissant, plus que saisissant en fait, unique.  Et si le parc du côté argentin était peut-être mieux, il valait franchement le coup d’y aller des deux côtés.
La famille aux chutes d'Iguazu
Nous quittons ensuite Foz de Iguaçu et son ordinaire (et cher) camping  pour Curitiba, où nous devons rencontrer Douglas, le futur propriétaire  de Bertha.

Maintenant c’est vrai, des explications s’imposent.  En janvier, nous écrivions que Bertha état vendue, et plusieurs nous demandaient des explications.  Eh bien, mieux vaut tard que jamais: les voilà. En décembre donc, un Brésilien nous écrit en français qu’il est intéressé par Bertha, et après quelques courriels, plusieurs explications et plusieurs photos, l’entente est conclue et il accepte de nous envoyer un dépôt de 5000 dollars, dans les deux mois suivants.  Avec la promesse qu’il vienne chercher Bertha à Rio à la fin juillet. Alors voilà. Ce fut aussi simple que ça.  Bref, on s’est trouvé chanceux, bien que nous sachions que le prix de vente de notre machine était vraiment bas. Le plus important n’était pas tant de gagner mille dollars que de ne pas rester avec la machine en question à la fin juillet. 

On arrive donc à Curitiba le 28 juin.  On est tout de même un peu nerveux, et s’il trouvait que notre Bertha est bonne pour la scrap ? Après tout il ne l’a vu qu’en photos.  Mais bon quand faut y aller…

La nouvelle famille de Bertha
Forts de notre expérience en Argentine, on s’était dit que le Brésil étant un pays développé (c’est tout de même la huitième puissance économique de la planète), nous trouverions une carte routière dans une station d’essence…  Erreur.  Ça nous prendra deux heures de tournage en rond et beaucoup de sang-froig pour arriver chez Douglas.  En arrivant on a droit à un accueil de rois.  Il nous invite ensuite à un souper au resto, une churrasqueria, un genre de buffet, mais où le plat  principal, de la viande, circule de tables en tables et où l’on pointe du doigt pour désigner notre morceau…  Bref, j’ai rarement vu une telle orgie de viande et s’est le ventre gonflé et les yeux bouffis pour les enfants (il est neuf heures), qu’on sort du resto.  Le lendemain, on fait de notre mieux pour s’occuper de la paperasse de Bertha, principale raison pourquoi nous étions venus ici, mais les démarches sont longues.  À la fin de la journée, nous passons devant le notaire et la vente est officielle !  Nous partons de Curitiba le lendemain et c’est un peu la fête à bord.  On savait que théoriquement la vente était conclue, mais tant que ce n’était pas fait, ce n’était pas fait.  Nous pouvons donc officiellement  commencer nos vacances de patapoufs : aucun autre objectif que de se faire griller au soleil. Seulement 1000 kilomètres nous séparent de Rio, plus de deux semaines devant nous. Et en prime on ne comprend pas grand chose au Portuguais, donc  on ne cherchera ni les rencontres, ni particulièrement la culture.  Donc en gros, nos espérances pour le Brésil, c’est de bronzer sur les plages, bien dans notre bulle, de vraies belles vacances de patapoufs, quoi…  Et le soleil est ressorti depuis trois jours, ça regarde bien.
Bertha et ses deux familles
On roulera d’abord pour retrouver la mer, de jour et de nuit, jusqu’un peu plus au Nord de Santos, le nom est déjà oublié.  Il fait chaud, la mer est belle, à midi on s’arrête, et enfin on semble découvrir le Brésil.  La plage, les gens en gougounes (c’est ici un trait culturel dominant !) et sur la plage, on joue au foot ou on se ballade à vélo.  La vie semble douce et Christine est la plus heureuse des femmes : enfin elle a retrouvé la chaleur après le frette de l’Argentine et de l’Uruguay.  Le soir tombant et avec tout ce qu’on nous a raconté sur la sécurité au Brésil, il nous vient tout de même une petite crainte :   mais après avoir fait la rencontre de presque tous les habitants du pâté de maison où nous sommes stationnés, ils nous convainquent qu’il n’y a pas de crainte à y avoir, et on les croit.  C’est notre premier, et non le dernier !, de nos bivouacs sauvages au Brésil.
 
Le lendemain, on fait quelques kilomètres et on tente ensuite de s’arrêter sur de magnifiques plages mais on est vite ramenés à la réalité : l’accès aux plages ne sera pas si simple au Brésil.  Le littoral, à de très nombreux endroits, est privé : il appartient à des resorts, à des hôtels, à des quartiers privés et sécurisés, et dans chacun de ces endroits, les « hippies » qui vivent dans leur roulotte ne sont pas les bienvenus.  Bref, après plus d’une heure de recherche infructueuses, on s’arrête enfin à Buçacunga, où il y a un stationnement près de la plage!  La plage est encore une fois magnifique. Bon d’accord, le stationnement est aux côtés de la route principale, donc pas le plus bucolique, mais on se rendra compte que les plages bucoliques genre "bout du monde", au Brésil,  si elles existent, ne sont pas dans le millier de kilomètres de côte que nous avons fait. Mais tout de même, si on regarde la plage et qu’on se contente d’un regard à 180 degrés, c’est magnifique, et il fait chaud, pas un nuage dans le ciel.  On y verra même un Pingouin !  Au Brésil ! Et le plus drôle, c’est que nous en reverrons plusieurs autres par la suite.


Et on continuera comme ça : très peu de kilométrage et beaucoup de plage.  La costa verde est magnifique : des plages, des innombrables baies qui se laissent découvrir à chaque tournant, parfois une ville avec ses buildings tout blancs de douze étages.  Et les montagnes vertes, on est ici en pleine jungle, et le seul moment où on l’oublie, c’est sur la plage…
 
Le 4 juillet, on doit trouver un chouette endroit car le lendemain c’est la fête d’Élias.  Et la demande est grande : il veut un camping, la mer, un feu sur la plage et une rivière.  On lui dit qu’on va faire de notre mieux (en espérant que ce soit assez).  Mais lorsqu’on sort de la plage où nous avons passé la matinée, il manque de quoi faire un gâteau et malheur, dans les cinquante kilomètres suivants, pas l’ombre d’un supermarché en vue. Et évidemment, il faut trouver aussi une plage paradisiaque pour répondre aux désirs de notre plus vieux.  On décide donc de se rendre à Trinidad mais oups, un policier nous arrête et nous explique que la route s’est effondrée, on ne peut s’y rendre.  On lui demande quand même s’il sait où l’on peut trouver un super-marché.  En suivant ses indications, on trouve un endroit où l’on vend des chips, de la bière, des limes et des tomates pourrîtes (je sais, on est supposé dire pourries, mais pourrîtes, c’est plus pourrîtes que pourries).  On prendra le tout puisqu’il faut bien manger, et Christine devra faire preuve de beaucoup de créativité pour le gâteau de fête d’Élias.  Reste ensuite le plus important (la bouffe, c’est toujours secondaire pour les enfants, sauf lorsqu’il est six heures moins cinq, évidemment) : il faut trouver une plage de rêve.  Le premier chemin défoncé qu’on emprunte nous emmène dans un village de  pêcheurs, mais il n’y a pas de place pour se stationner et la plage est minuscule. Je convainc tout le monde de sacrer le camp, même si je ne suis pas tellement populaire : il y a encore quelques rayons de soleil et les gars veulent absolument sauter sur leur surf.  Le deuxième chemin défoncé nous mène à praia Armada, où les restos ont accaparé tout le littoral, mais bon, il y a un stationnement et il est maintenant cinq heures trente.  On se dit qu’il faut bien arrêter, même si on aurait souhaité mieux répondre aux rêves de notre plus vieux.  Mais le lendemain, en se réveillant, on se rend compte du paradis dans lequel on est atterri : le sable fin, le large, la baie entourée de montagnes vertes et de rochers ; des vagues parfaites pour surfer à marée haute, et tranquilles à marée basse.  Bref, fallait vraiment être fatigués pour ne pas voir tout ça à notre arrivée…
Partie de foot sur la plage

Élias y aura ses six ans, dira que c’est la plus belle plage qu’il a vu de toute sa vie, mangera des crêpes au déjeuner, des hot-dogs au dîner, des pâtes au pesto au souper, et aura ses cadeaux…  Surtout, on ne bouge pas de là, bien tranquille sur notre plage. Bonne fête Élias !

Lever de soleil à Paraty
Lorsque nous quittons la praia Armada, c’est vraiment parce que nous n’avons ni eau ni nourriture, sinon on y serait encore.   On se dirige vers Paraty, un des premiers grands ports de l’époque coloniale au Brésil. On se dirige vers Jabaquara, la plage au nord de la ville, où il y a un camping sympathique (aux dires du Lonely Planet).   Premier constat, le camping est affreusement paqueté,  (il doit y avoir une centaine de tentes toutes cordées les unes sur les autres, le côté d’une tente étant à à peine deux pieds de sa voisine), le service est pourri et c’est affreusement cher.  Mais il est déjà tard, les petits veulent courir et on a du lavage à faire.  On y restera donc et à grand renfort de Sangria et de vin rouge, on passera au travers de notre lavage (à la main, bien sûr !).  Le lendemain, on se rend compte que la si belle plage Jabaquara décrite par le Lonely Planet est en fait en bouette à trois mètres du bord.  En plus, il y a une exposition littéraire à Paraty et il y a un touriste à tous les deux pas.

Paraty Mimim
On décide donc de se fier aux écrits de familles sur la route comme nous (toutes françaises), et suivant les traces des Géonautes, on se rend vers Paraty Mirim, qui selon eux était le bout du monde…  Au bout d’une dizaine de kilomètres de chemin de terre, on arrive à Paraty Mirim, mais le bout du monde n’est pas celui que nous attendions :  environ 100 chars de stationnés, la musique dans le tapis, une partie de foot (lire soccer pour les Québécois), la bière, les cris.  Bref, il ne faut jamais écouter un FRANÇAIS  lorsqu’il parle du bout du monde !!!


Mais après être revenus de nos émotions, les gens partent, et sans être vraiment seuls au monde, on est tout de même tranquilles et couchés devant la porte de l’église,  à quelques pas de la mer.  Jusqu’à ce que la pluie nous réveille en pleine nuit, c’est le déluge ! Et au réveil, Bertha n’est plus à quelques pas de la mer, mais dans la mer !  Paraty Mirim aurait sans doute été davantage paradisiaque sous le soleil, mais même sous la pluie et le temps gris, ça en valait le déplacement.

Le troisième jour à Paraty Mirim, il fait toujours aussi mauvais et on prend nos cliques et nos claques.  On décide de se réessayer pour Trinidade, où nous n’avions pu aller la route étant effondrée…   Mais cette fois-ci ça passe.  Il fait encore gris et il bruine, et il fait frette (rajouterait Christine), il est interdit de se baigner à cause de la tempête des derniers jours, mais les rochers qui semblent avoir été lancés par un géant sur la plage valent à eux seuls le déplacement et les enfants s’en donnent à cœur joie à essayer de grimper sur chacun d’eux.  On imagine seulement comment ce serait paradisiaque par beau temps.

Trinidad
Le soir on dort à Paraty, sur la plage Jabaquara, bien qu’en bouette, car dormir sur la plage, c’est tout de même dormir sur la plage…  On passera ensuite quelques jours à Paraty.  Et la ville est en effet magnifique, les murs blancs, les toits rouges et les portes de toutes les couleurs, un centre historique presque exclusivement piétonnier.  Le tout au bord de la mer… Bref, dans la catégorie ville coloniale, Paraty est décidément dans le top dix du voyage.



On se dirige ensuite tranquillement vers le nord,  sous le froid, le temps gris et la pluie vers notre destination ultime, Rio. Mais comme le littoral, au nord de Paraty et au sud de Rio a été vendu, le touriste moyen ne peut y avoir accès.  J’entends ici le touriste moyen nord-américain qui voyage dans une station-wagon avec sa famille et non le touriste brésilien moyen.  Il y a en effet très peu de touristes étrangers au Brésil,  seuls les Brésiliens semblent avoir les moyens de découvrir leur pays. En effet, si on charge 30 dollars l’assiette pour un plat de poisson frit et frites, on comprend que les occidentaux choisissent Venise ou Paris pour le même prix ! On continue donc notre route en dépassant Rio, espérant trouver notre El Dorado.   On arrête à Buzios, parce que n’osant plus croire le Lonely Planet après notre expérience de la plage et du camping de Paraty, on décide désormais de suivre les familles françaises en CC (lire camping-car, ou motor-homes ou winnebago) qui disent toutes que Buzios est un paradis. 

Buzios s’avèrera archi-touristique. Les gens qui nous voient arriver avec notre grosse machine sont du coup sceptiques et plusieurs franchement antipathiques.  Buzios est pensé pour les riches, ceux qui veulent voyager bon-marché (nous) sont du coup suspects…  Il faut payer partout pour se stationner, les gens rencontrés sont bêtes et lorsque nous réussissons enfin à atteindre la plage, il est impossible de s’asseoir avec deux chaises et une pelle parce que les tables des restos ont accaparé toute la plage !  Et avec un sourire, on nous dit que la chaise est gratuite si on consomme.  Vous avez devinez, on ne restera pas trop longtemps à Buzios : 3 ou 4 heures maximum.  Encore une fois, les familles françaises qui avaient tant aimer Buzios ne semblent décidément pas chercher la même chose  que les familles québécoises…

Le soir même on dort à Cabo Frio sur la plage Do Pero, où enfin, on semble avoir trouver notre bonheur : entre la fin du malecon (trottoir sur le bord de la plage) et les dunes, on cuisine comme le jour descend et que les surfeurs profitent des vagues…  Les locaux n’ont décidément jamais rencontré un touriste étranger sur cette plage.  Aussi nombreux sont ceux qui viennent nous voir, qui discutent avec nous.  Ça fait du bien.  L’image qu’on avait du Brésil, jusqu’à présent, c’est que pour avoir un sourire, il fallait payer.  On se rend aussi compte que lorsque les gens désirent que nous les comprenions, on comprend le portuguais, et lorsqu’ils ne font aucun effort, on comprend que dalle.  Même chose dans le sens inverse : le Brésilien qui veut me comprendre me comprend, l’espagnol étant si proche du Portuguais. 

Les vagues à Do Pero sont belles et grosses, le sable est blond,  la mer turquoise, c’est décidément autre chose que la mer sale de Paraty.  Seule ombre au tableau : il fait froid et gris et on annonce de la pluie pour une semaine, soit jusqu’à ce que nous arrivions à Rio.

On passera deux jours à Praia do pero et la température ne sera finalement pas si mauvaise, on aura même un peu de soleil !  Les gars ADORENT les vagues et les deux grands me disent à tour de rôle comment quand ils seront grands ils feront du surf-debout.  Avis à tous les intéressés !  Des vacances à Puerto Escondido (Mexique) sont déjà prévues pour les années qui viennent, vous pouvez vous joindre à nous, le billet d’avion n’est pas cher ! 
Praia do Pero
Le grand ménage de Bertha...
On se rend ensuite vers le centre de  Cabo-frio, où l’on trouve un camping.  Et même si le camping est plutôt cher, on le prend.  Disons qu’il y a du lavage (encore !) à faire et du ménage de Bertha itou.  Et si on ne veut pas passer notre semaine à Rio à frotter un camion (ça serait quand même ordinaire de passer une semaine dans ce qui est appelé la ville merveilleuse à frotter Bertha),  alors on profite de cet arrêt pour commencer notre grand ménage. Avant de retourner à Rio, on s'arrête pour une dernière nuit à Arraial do Cabo, à la plage Praia do Pontal, qui pour la première fois au Brésil est une plage sauvage.  On n’y croyait plus, du moins pas dans ces latitudes, mais voilà on l’a trouvée.  Mais bon, il fait froid et il pleut alors difficile de parler de paradis lorsqu’il fait froid et qu’on gèle.  On se dirige vers Rio, la « cité merveilleuse ». Une semaine dans un appartement et les adieux à Bertha nous y attendent… Ça sent déjà le retour.


Quoi dire du Brésil ?

D’abord, l’image qu’on se fait du Brésil est sans doute fausse.  Du moins celle que je me faisais l’était assurément.  On s’attend à voir des jeunes femmes canon en G-String sur les plages (genre volleyballeuses de plage), ce que nous avons vu, c’est qu’une très grande majorité des Brésiliennes semblent faire de l’embonpoint.  Je m’attendais être enveloppé par les rythmes de samba et de bossa, et je me rends compte que de tout les pays d’Amérique latine, c’est sans doute le Brésil qui singe le plus la culture états-unienne, avec la musique pop que ça implique.  Bref c’est un peu comme si un Européen venait aux Etats-Unis et espérait baigner dans une ambiance jazz et blue grass et qu’il y découvre Britney Spears.

Mais au delà du premier regard, peut-être (et sans doute) que le fait que nous ne connaissions pas le portuguais nuit à vraiment comprendre le pays.  Mais en même temps, jamais on a vu autant la différence entre celui qui veut rencontrer l’étranger, et celui qui ne le veut pas…  Il est possible d’avoir des conversations complètes avec des Brésiliens qui parlent tranquillement.  Nous comprenons alors 70% de ce qu’ils disent et lorsque nous parlons bien tranquillement en espagnol, ils comprennent ce qu’on leur dit.  Par contre, d’autres nous disent qu’ils ne peuvent pas nous aider si on ne parle pas portuguais…  Disons que ça fait réfléchir.

Et il faut le dire, le Brésil est cher.  Et il n’y a pas de touristes étrangers, ou si peu.  Mais faut comprendre les étrangers. Payer 25 dollars l’assiette pour de la nourriture somme toute mauvaise, ou 40 dollars la nuit dans un camping qui n’offre rien de plus qu’un stationnement, c’est cher.  Je n’ai pas essayé les hôtels.  La seule chose qui n’est pas chère au Brésil, c’est l’épicerie.  Alors, si vous voulez, voyager pas cher au Brésil, amener votre hamac, dormez dedans, enterrez votre linge de rechange dans le sable et nourrissez vous de bière (la bière n’est pas chère)…

Et le Brésil est évidemment le pays des écarts de revenus, faut pas avoir beaucoup lu pour le savoir.  Des riches très riches et des pauvres très pauvres.  Mais jamais je n’aurais cru que ça ne paraîtrait autant.   Disons que le seul mot qui me vient serait une société derrière les barreaux.  Et derrière les barreaux ce ne sont pas les pauvres. 

Nous avons vu des îles privées, des péninsules indécemment grandes qui comportaient même des sites historiques et plusieurs plages, privées.  Combien de plages sont fermées au public ?  Sans doute les riches ont-ils le plus beau du Brésil.  Mais en contrepartie ?  Ils ont souhaité la paix et la richesse, qu’ont-ils gagné ?   Ils semblent en prison.  Ils vivent derrière des murs qui sont gardés, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.  Ils ont leurs plages, leurs villas leurs centre d’achats privés.  Mais en contrepartie : les villes sont délabrées, les rues sont sales, les employés des richissimes villas sont tous noirs.   Pour un pays qui est la huitième puissance économique au monde, et venant d’un pays comme le Canada, c’est un peu difficile à comprendre. Car à regarder le coût de la vie, je ne pourrais sans doute pas vivre au Brésil et espérer le même niveau de vie que j’avais chez moi.

Par contre, si vous avez en tête les belles plages du Brésil, vous tombez à pic : les plages du Brésil sont très certainement parmi les plus belles que nous avons vu, et que nous verrons jamais sans doute. Et Rio la maravilhosa nous attend, et ça promet.