C’est tout mouillés qu’on s’est dirigés vers l’Équateur en espérant laisser la pluie du côté Colombien. On n’a pas réussi à se débarrasser de la pluie, mais la douane fut tout de même traversée en une heure quinze minutes ! Ce qui est un record absolu si on exclut la douane pour entrer aux Etats-Unis, ce qui ne compte pas vraiment. On s’arrête à Tulcan, où l’on pouvait trouver, aux dires du douanier, des cartes routières à l’information touristique. Lorsque je demande à la préposée, elle me regarde comme si elle comprenait vaguement ce dont je parlais… Je lui explique en long et en large que je suis un touriste (facile à deviner !) qui voyage avec son propre véhicule et qui aimerait bien avoir une carte pour savoir où il va. Elle me comprend finalement et me dit que je suis à la bonne place mais qu’elle n’a aucune carte en ce moment, que ça fait un bon bout de temps qu’elle en a reçu et qu’elle ne sait pas quand elle en recevra de nouvelles, bientôt, peut-être… On en est quitte pour manger au resto à Tulcan pour un grand total de 10 dollars… et en passant devant une station d’essence on voit que le prix est de 1,48… le gallon ! Bref, l’Équateur s’annonce bien.
On traverse la région de Carchi. Les montagnes que l’on a quitté en Colombie grossissent à vue d’œil, si les Andes colombiennes étaient certes impressionnantes, ici elles sont carrément majestueuses ! Et ces montagnes sont cultivées à un point tel qu’on dirait qu’une longue courtepointe s’est étendue sur les Andes, pas un recoin de montagne n’est laissé à l’abandon, tout est cultivé. L’effet est renversant…
On arrête le soir à Ibarra, ville dont on ne dit absolument rien dans les guides de voyage mais qui s’avèrent être une superbe ville coloniale aux nombreux parcs ombragés. Et malgré la grosseur de la ville, l’ambiance est décidément décontractée. On se rend compte que les Équatoriens y sont pour beaucoup dans cette ambiance. Autant nous avions aimé le côté chaleureux et empressé des Colombiens, autant leur tendance au bruit nous avait épuisés… On en était même venus à éviter les villes, car il était pratiquement impossible de s’y stationner sans en être quitte pour une bonne heure de social, lorsque nous étions chanceux… Les Équatoriens parlent plus bas (entendre crient moins), sont moins empressés, sans être moins curieux ou souriants…
On se dirigera ensuite vers la Laguna Cuicocha, lac dans le cratère du Volcan du même nom… La montée pour s’y rendre vaudra à elle seule le détour : difficile de se sentir davantage dans le nuage. Mais cinq minutes après l’arrivée, le nuage se dissipe et laisse apparaître le superbe lac, les trois hommes les plus âgés (ce qui veut dire que maman n’a pas permis à Ariel de se baigner !) ne résisteront pas à la tentation de faire une petite trempette… se baigner à 3500 mètres d’altitude, dans le cratère d’un volcan, même si c’est un brin frette… c’est pittoresque ! Disons que le chauffage dans Bertha a contribué à persuader la représentante féminine de la famille de nous laisser se tirer à l’eau.
Le lendemain matin, on entreprend ce qu’on nous avait dit être une petite marche autour du cratère (10 kilomètres, c’est envisageable en trois heures). On part en plein nuage et vers les dix heures, le nuage disparaît pour faire place à un soleil de plomb. La vue est hallucinante, d’un côté le cratère et l’autre la vallée, dans cette végétation rare qu’ils appellent páramo. Seul hic, lorsqu’on monte assez haut sur un pic, on voit vraiment tout le chemin qu’il reste à faire… oups. Impossible qu’il nous reste tant de chemin à faire… c’est épeurant… à évaluer à coup d’œil, il nous resterait 8 km à faire et on marcherait à moins de deux km heure… Quelqu’un s’est décidément fourvoyé en estimant les distances… On en est quitte pour rebrousser chemin. Théo, qui déjà n’était pas dans sa bonne journée, crie hurle, piaffe, mord, se roule par terre, il prend ça comme un échec personnel, On a beau dire qu’on a rien a manger et qu’il est onze heures trente, rien n’y fait. Bref papa en sera quitte pour faire une bonne partie du retour avec un Théo sur les épaules en plus du sac à dos. Élias, quant à lui, est dans sa bonne journée. Il court tant en montant qu’en descendant durant la dizaine de kilomètres que durera notre randonnée. Décidément, les randonnées se suivent et ne se ressemblent guère ! Après la randonnée de la Laguna verde où il nous a fallu tout notre petit change pour convaincre Élias de marcher, maintenant c’est lui qui nous tire vers l’avant ! Faut croire que la randonnée, c’est entre les deux oreilles que ça se passe !
Au retour on rencontre des jeunes et beaux athlètes de vingt ans qui nous disent que ça leur a pris quatre heures faire tout le tour du cratère… Ça nous confirme ce qu’on pensait : quelqu’un s’est décidément fourvoyé en comptant les kilomètres, les dix kilomètres devaient être quinze sinon dix-huit kilomètres… Mais bon, il reste que cette marche autour du cratère valait plus que le déplacement, même si au niveau de la précision, c’est un peu broche à foin, à l’image de l’Équateur quoi !
On se dirige ensuite vers Otavalo, le plus grand et surtout le plus populaire des marchés de l’Équateur. On était dû pour un petit changement de saison : mitaines, tuques, bottes de pluie, veste de laine sont maintenant indispensables. On s’est donc refait un nouveau look : après les maillots de bain, les tuques… Et pour ce qui est d’Otavalo, même pour des gens qui ont déjà couru les marchés au Guatemala, Otavalo est renversant. On pourrait facilement évaluer un carré de dix coins de rue par dix coins de rue qui ne sont que marchandes. C’est le bordel total et franchement, ça vaut le déplacement… Pour les amis montréalais, il faudrait imaginer que des rues Jarry à Jean-Talon et de Saint-Denis à Saint-Laurent, les marchands se succèdent et ont non seulement investi les trottoirs mais aussi les rues ! Ça donne une idée…
On passera ensuite finalement au mythique mitad del mundo (la moitié du monde) c’est tout de même un passage obligé en Équateur ! Et nous voilà enfin dans l’hémisphère sud. (Je dois dire que je n’ai pas remarqué si l’eau tourne à l’envers mais si quelqu’un dans l’hémisphère Nord veut bien me dire ça tourne de quel bord au Canada, je pourrai vous dire si ça tourne désormais à l’envers pour nous.)
Jean-François, Théo et Ariel, un pied dans chaque hémisphère... |
Et une fois mieux habillés, on pourra finalement se diriger vers Cotopaxi, volcan de quelque 5900 mètres (n’ayez peur nous ne sommes pas montés jusqu’au sommet !) On dormira néanmoins dans un merveilleux bivouac à 3800 mètres, à la limite des arbres et du páramo, sous les pins rouges, sur les pentes du volcan Cotopaxi. On se promènera le lendemain dans une ancienne vallée glacière, faisant le tour de la laguna limpiopungo. L’air est rare et froid et le paysage est à couper le souffle. C’est drôle, le paysage est davantage ce à quoi on s’attendrait de paysages de l’Alaska, plutôt que de l’équateur. C’est là qu’on fêtera les deux fêtés de la famille du six février, Théo a quatre ans et papa 32 ans. On se paiera même un feu de camp (même si je me suis obstiné pendant deux heures à souffler sur du bois mouillé pour avoir le plaisir de veiller autour du feu le soir de mes 32 ans !) et des cerfs viendront nous tenir compagnie à l’heure du souper ! Bref, Cotopaxi est certainement un des très beaux bivouacs depuis longtemps !
Nos deux fêtés du 6 février |
On redescend ensuite pour aller chercher Ginette, la mère de Christine, qui arrive à Quito. Si vous voulez le savoir, Quito est l’un des derniers endroits où vous voudriez aller en voiture. À l’aéroport en particulier : on ne peut imaginer plus au centre-ville. La ville est sise entre des pics de 4000 mètres et s’étend sur des collines, et encore des collines. On dit qu’elle est à 2800 mètres, mais ça, c’est au fond de la vallée. La promenade en ville se déroule tout de même assez bien jusqu’à l’aéroport. On y accueille Mamie avec des larmes de la part de la gent féminine, les hommes se retiennent, Ariel semble un peu déboussolé : on lui avait dit qu’elle arrivait en avion et elle est arrivée à pied, en traversant une grande porte vitrée, mais bon, comme dirait ma mère, il s’en remettra. Après, c’est sans doute l’effervescence du moment, mais dans un excès de confiance, on décide de s’éloigner le plus possible du centre pour sauver cette traversée le lendemain en pleine heure de pointe… mauvaise idée… Avez-vous déjà remarqué qu’on n’indique jamais les courbes de niveaux sur une carte routière ? Bref on avait « spotté », un super parc, tout près de la voie qui nous permettrait de sortir de Quito le lendemain, mais ce que la carte ne disait pas, c’est que ledit parc était sur les bords d’un précipice, et que pour s’y rendre, nous avions entrepris de grimper le précipice en question (et quand je dis précipice, j’exagère à peine !). Bref, après plusieurs sens uniques on se ramasse dans des rues toutes plus étroites les unes que les autres, à la noirceur, et… on se rend compte qu’on sera obligé de redescendre… (et il faut savoir qu’avec notre Bertha de cinq tonnes les descentes sont toujours plus éprouvantes que les montées) C’est à ce moment que deux gentils policiers nous abordent en semblant penser : qu’est-ce que vous foutez là bande de triples idiots, vous rendez-vous pas compte que vous êtes un véritable danger pour vous-même et pour la communauté ? En fait je suis bien heureux qu’ils l’aient juste pensé, parce que j’aurais bien été obligé d’acquiescer à tout cela s’ils l’avaient seulement formulé… Mais bon, Christine a pris les choses en main, elle qui commence à être drôlement efficace avec la gent masculine (les mécanos exceptés), et leur explique qu’on était perdu, et qu’on voulait se rendre au Parc métropolitain. Ils se sont regardés en pensant : « ce qu’ils peuvent être tarés les gringos ! ». Puis un premier s’est mis à nous expliquer le chemin, alors le second lui a sacré un bon coup de coude en le regardant du genre : « Sois donc pas plus tarés qu’eux, tu vois pas qu’ils sont perdus ! ». Bref, ils ont jasé un brin pendant qu’on attendait et ils nous ont finalement amenés dans le stationnement d’un poste de police, en haut de la ville… le lendemain, on s’est rendu compte que le poste de police était un poste de police montée, on a donc pratiquement couché dans l’écurie, au grand bonheur d’Ariel qui a pu aller voir et revoir les chevaux, mais à son grand désespoir quand il a fallu partir ! Bref, mamie a eu un beau baptême de l’air en Bertha : perdus la nuit dans une capitale sud-américaine bordélique à bord d’un monstre de cinq tonnes dans des rues trop étroites !
Les garçons sont heureux de retrouver leur mamie |
Nous avions prévu qu’une fois le marché terminé (le marché c’est toujours le matin), nous roulerions l’après-midi jusqu’au Volcan Quilatoa, qui, paraît-il, a une lagune d’un vert émeraude à couper le souffle. Mais bon, nous allions découvrir ce qu’est pour vrai l’Équateur, nous nous sommes trompés trois fois de chemin avant de trouver le bon, et évidemment des réparations monstres nous empêchaient d’avancer… À cinq heures, au volant, je me rends bien compte qu’il serait décidément stupide de poursuivre jusqu’au Quilotoa le soir même et à la première indication, au trois quarts effacée, je prends le chemin de terre qui descend vers Tiga, une minuscule ville qui est dans une vallée où coule une rivière. Le chemin de terre est juste assez psychopathe pour laisser passer Bertha et c’est plutôt silencieux dans Bertha alors que j’essaie d’avoir l’air au-dessus de mes affaires (c’est beau l’orgueil mâle tout de même !). Finalement on s’arrête dans une ferme, qui offre aussi le gîte (dont Ginette bénéficiera) et le repas (dont nous bénéficierons tous). Bertha est stationnée sur les rives de la rivière, on est entourés de moutons, d’alpacas, de lamas, de vaches, de moutons, de canards… Si nous ne sommes pas au paradis, décidément, nous n’en sommes pas très loin cette fois-ci. Comble du bonheur, trois jeunes enfants indigènes habitent aussi la ferme et viennent jouer avec les nôtres, c’est vraiment la fête pour nos trois mousses.
Les deux équipes de jaugent... |
Le lendemain, après avoir fait plus ample connaissance avec tous les animaux de la ferme (Théo s’est même permis un petit tour à dos de lama !), on se dirige vers la laguna Quilotoa… On est en plein nuage lorsqu’on y arrive, alors, le vert émeraude, ça ne sera pas pour tout de suite… En fin d’après-midi, on profite d’une éclaircie pour se balader autour du volcan et oui, la laguna est très belle (bien que pour faire mon difficile, son vert ne vaut pas le vert du Volcan Azufral de la Colombie). Le lendemain, on profite du beau temps pour descendre au fond du cratère, et quelques touristes plus dingues que nous s’y baignent (ou peut-être veulent-ils seulement épater la galerie ? Ils sont en effet toujours entourés de jolies nanas qui prennent des photos en riant et roucoulant). Toujours est-il que cette fois-ci, on ne s’y baignera pas. Mais… car il y a un mais, on fera un tour de bateau sur la laguna. Après avoir tourné en rond pendant une quinzaine de minutes et avoir reçu un bon spectacle d’Ariel à la rame (qu’il appelait d’ailleurs pelle !), on remonte. La montée est vraiment épouvantable et on pense tous y laisser une partie de nos poumons, sauf Élias qui a monté toute la dernière moitié à la course et même terminé avec des touristes Argentins, ses parents étant trop lents (faut dire que la moitié de la délégation parentale devait motiver et tirer Théo et l’autre porter Ariel…).
Tour de bateau sur la lagune |
Jeunes filles indigènes |
Élias et mamie en nacelle |
Théo aime toujours autant monter à cheval |
Chouette baignade dans les environs de Banos |
On continuera notre parenthèse de chaleur équatorienne (tout est relatif) en descendant vers la jungle et Puyo. Premier constat : Puyo est une ville très laide, alors nous plions bagage et partons pour Veracruz (10 kilomètres plus loin). On s’arrête dans un balnéario (genre de piscine naturelle alimentée par une rivière). Les digues sont ouvertes et le balnéario n’a que quelques centimètres d’eau. L’employé nous explique qu’à cette période-ci de l’année, il pleut trop et si les digues étaient fermées l’eau serait brune de boue et peu invitante… On y reste tout de même. Le soir, il se met à tomber des cordes et en vingt minutes, le niveau de la rivière monte de près d’un mètre et demi ! Le spectacle est époustouflant et je crois maintenant ce que j’avais lu, soit que l’amazone peut avoir des crues de cinq à huit mètres ! Le lendemain, on se rend au centro de rescate los monos, où ils recueillent des animaux de la jungle trouvés ou blessés. On s’en donnera à cœur joie avec les singes laineux, les singes araignés, les ardillos, les capucins, les coatis et même une loutre. Ces animaux, ni tout à fait sauvages ni tout à fiat domestiqués se laissent caresser!
Scènes surprenantes au refuges Los Monos |
Notre dernier arrêt dans la jungle sera au jardin las orchideas, qui est beaucoup plus qu’un seul jardin d’orchidées… Il y a trente ans, quelques illuminés amants de la nature ont acheté des terres qui servaient au pâturage. Les terres étaient pratiquement stériles, étant donné qu’en Amazonie, la partie fertile du sol ne mesure que trente centimètres d’épais (chez-nous au Québec, c’est plus d’un mètre par endroits !) Alors, pendant vingt ans, ils ont épandu du fumier… Et au bout de vingt ans, ils se sont mis à planter des arbres et des fleurs mais en sélectionnant rigoureusement les espèces, en veillant à avoir la plus grande diversité possible… Et savez-vous le plus beau dans tout ça ? S’il y a vingt ans il n’y avait que des sauterelles, depuis, les papillons, les araignées, les scarabées, les grenouilles, les serpents, des iguanes, plus de cinquante sortes d’oiseaux, des singes, des chauves-souris, des paresseux sont revenus… Bref, ceux qui pensaient que l’homme qui plantait des arbres (clin d’œil à David) n’était qu’une fable, eh bien, c’est faux…
Élias avec une fleur dans la bouche |
Mais la saison des pluies dans l’Amazonie étant particulièrement mouillée, on ne sent pas le besoin de s’y attarder outre mesure, et on plie donc bagages pour Chimborazo, le plus haut Volcan de l’Équateur, à 6319 mètres. Et pour ceux qui aiment les stats, c’est aussi le point le plus éloigné du centre de la terre (la terre étant aplatie aux pôles !). Bref après Bertha en Amazonie, Bertha dans la neige !
Mais vous devrez attendre encore un peu pour voir nos photos sous la neige…
À bientôt chers lecteurs…