jeudi 29 décembre 2011

La grande traversée

 Aux dernières nouvelles, nous étions le 16 décembre et à Panama city, sans Bertha… On vous avait laissés deviner si nous étions davantage riches ou cinglés…  Alors voici donc les choix : soit on prenait un avion (cher!) pour Carthagène, avec escale à Bogotá; soit on se rendait à Carti, dernière ville accessible par la route sur la côte caraïbe au Panama et demandions aux gens de la place de nous voyager en bateau jusqu’à Puerto Obaldia, le poste frontalier, puis vers Capurgana et enfin vers Turbo, d’où il est possible de prendre des bus vers Carthagène.  Comme vous l’imaginez, on a opté pour la grande traversée.  D’abord, parce qu’on avait bien envie de voir les îles San Blas et Capurgana, ensuite, on avait bien envie de faire un clin d’œil à notre passé de Backpacker et se réessayer, avec des enfants et enfin, faut le dire, la traversée en bateau du mythique Darien gap nous paraissait dangereusement excitante, et nous avions dix jours devant nous…

Nous voilà donc le samedi matin, les trois gars le sac au dos en attendant notre quatre quatre qui nous amènera à Carti.  Même si le 4X4 est moins pittoresque que ce à quoi on s’attendait : gros pick-up rutilant et climatisé, le voyage lui, le sera :  musique kétaine latino, cellulaires (eh, oui il en avait deux) qui sonnent à tour de rôle et parfois même ensemble!,  innombrables arrêts( pour parler à des amis, attendre des gens qui ne viennent pas, aller aux toilettes, s’acheter un sac de chips, etc.).  Et, cerise sur le sundae, pour  le dernier tronçon, qui est sur une route mauvaise et montagneuse, comme s’il s’était rendu compte qu’il devait faire le voyage en deux heures trente, il se met à rouler en fou.  Tellement qu’en sortant on est tous verts!  Dire qu’il est resté arrêté au moins quarante minutes durant le trajet pour ensuite rouler  comme s’il était au volant d’une F1!

Lorsqu’on arrive à se qu’on croit être Carti, on se sent vraiment au bout du monde. On est sur une piste d’atterrissage, car le terme aéroport serait vraiment exagéré pour ce que c’est, il y a une ou deux maisonnettes et deux petits quais en bois où sont accrochées des barques à moteur.   Germain Perez, notre contact, nous souhaite la bienvenue, ou plutôt non, il nous dit d’abord que nous n’avons pas assez payé, que les enfants devaient aussi payer.  En général, je ne fais pas trop d’histoires, mais là, on s’était entendu sur un prix et Christine lui avait même parlé en personne…On voit tout de suite à qui nous aurons affaire, et lui aussi : on ne paiera pas un sou de plus…  On prend finalement une barque qui nous amène à Carti, et c’est là qu’on comprend que Carti n’était pas l’aéroport, mais plutôt une île.  L’arrivée sur l’île est encore plus renversante que l’arrivée à l’aéroport, je ne crois pas m’être déjà senti autant au bout du monde…  Des maisons sur chaque pouce de l’île, des rues minuscules, des cordes à linge de bord en bord des rues, les enfants à moitié nus, les toilettes qui sont des quais dans lequel il y un trou qui donne directement dans la mer, les femmes en habits traditionnels (paréo noir, blouse faite à la main, foulard rouge sur la tête et des bracelets aux mollets si serrés que les plus vieilles en ont les jambes déformées!) certaines avec des anneaux au nez et des peintures au visage… On me dirait que je suis en Polynésie et je le croirais.  Mais non, je suis chez les Kuna, un des groupes indigènes les mieux préservés et avec le plus de pouvoir sur leur territoire de toutes les Amériques.  Mais ce n’est pas tout. 
L'île de Carti


Femmes Kuna en habit traditionnel
Notre hutte

On se dirige vers notre « hôtel », qui s’avère en fait être la maison de ce cher Germain… Il y a une chambre pour nous au deuxième étage, mais pas de garde-fou devant un escalier casse-cou, et par les murs on voit l’extérieur alors que par le plancher on peut voir le rez-de chaussée, salle commune dans laquelle il est difficile de se sentir le bienvenu : environ dix personnes y vivent déjà.  Les rues  de Carti sont si petites qu’il est presque impossible de jouer dehors pour nos enfants, pas question de se baigner sur cette île : la quantité de déchets est épeurante, et les toilettes, ben je vous en ai déjà parlé!  Bref, on ne sait pas si on a vieilli, mais nos sentiments sont moitié fascination moitié répulsion.  On décide finalement qu’on se trouve bien chanceux de voir ça, mais qu’on ne restera pas là une nuit de plus!  Le lendemain, on découvre enfin le paradis tel que ceux qui sont tombés amoureux des îles San Blas l’on découvert avant nous.  Une île où il y a deux maisons et trois huttes pour héberger des touristes, des cocotiers, du sable blanc, la mer turquoise, la banc de corail qui touche l’île.  C’est Génial!  On dormira deux soirs dans notre hutte au plancher de sable, murs de roseaux et toit de palme.  Seul le bateau pour rejoindre Puerto Obaldia nous fera sortir de notre trou, dans lequel on serait volontiers restés plus longtemps, mais Germain organise des traversées de Carti à Puerto Obaldia lorsqu’il y a assez de gens pour remplir un bateau, et un bateau part le 19, et il est impossible de savoir quand partira le prochain… Alors au revoir Isla Azuelo…
Vous entendez la mer?
Les nouveaux amis d'Élias, Théo et Ariel
Le matin du départ...

 Le 19 décembre, jour de la grande traversée en bateau.  On nous a dit que ça prendrait 6 heures jusqu’à Puerto Obaldia : toute une épreuve pour nos mousses!  En embarquant sur le bateau on revoit Émilie et Geoffrey, deux charmants Français qui nous disent qu’à eux, on leur a dit que le trajet serait de huit heures…  Malheureusement, ce sont eux qui avaient l’heure juste…  J’en vois certains sourire : comme c’est charmant une croisière. Détrompez-vous,  ça n’a rien d’une croisière!  La barque pouvait accueillir au maximum 14 personnes et nous étions quinze. Deux moteurs de quarante force (ce qui était trop fort pour la grosseur de la barque) étaient poussés à plein régime , alors imaginez le bruit, en plus du nez du bateau qui lève et les vagues en pleine mer qui nous brasse comme une coquille de noix...  C’était long et épuisant, mais les petits nous ont décidément impressionnés :  malgré les vagues, la chaleur, le bruit et le mal de cœur, ils ont gardé le moral.  Germain nous avait entre autres promis un déjeuner et un arrêt pour dîner, nous n’avons eu ni un ni l’autre.  On s’est donc nourri de barres tendres, de  biscuits et de fruits toute la journée.  Les trois ont même dormi!  Vers deux heures trente, on arrive à Puerto Obaldia. La ville est peu accueillante et on nous dit que la traversée de Puerto Obaldia à Capurgana n’est que de trente minutes, on décide donc de continuer la route, surtout pour s’endormir et se réveiller dans une plus belle ville…  Mais bien que la traversée en bateau fût en effet courte, la traversée de la douane, elle, était affreusement longue : deux heures pour seulement sortir du Panama!  C’est un nouveau record.  On arrive finalement à Capurgana à cinq heures et nous ne trouverons pas notre endroit où dormir avant six heures trente!  Quelle, mais quelle journée de fou!

La beauté des îles San Blas
Pour se remettre de nos émotions, on reste trois nuits à Capurgana. La village n’étant relié par aucune route, il n’y a pas de voiture à Capurgana. Le transport s’y fait à pied, à cheval ou en bateau, ce qui évidemment donne un air très décontract à ce charmant bled.  La côte caraïbe a ici un charme fou, sa population est métissée (noire, espagnole et indigène) il fait toujours soleil et les nuits sont fraiches.  Bref, un séjour très agréable et très tranquille…

On reprend le bateau pour Turbo le 23 au matin, on a peur que le 25, tout soit fermé et que nous nous retrouvions dans un indicible trou, alors en partant le 23, on se donne toutes les chances d’arriver à Carthagène le 24.  Donc à sept heures du matin, nos trois mousses sont sur le quai, sac au dos et attendent leur bateau en mangeant une brioche.  La traversée sera plus courte, deux heures et demie, mais brassera encore plus. Encore une fois, nos petits nous impressionnent.  Élias, comme on a souvent eu la chance de s’en rendre compte, est à son mieux dans l’adversité :  durant de long moment je m’occupe de Théo et Christine s’occupe d’Ariel.  Il nous manque de bras, et… pour la première fois, Élias semble comprendre.  Malgré son mal de cœur, il fait de grands efforts et patiente, sachant que le voyage prendra fin et que son mal de cœur aussi. Alors il tient bon. Nous avons la chance d’apercevoir un groupe d’en quinzaine de dauphin, qui passent très près de notre bateau. Certains effectuent même des sauts en dehors de l’eau, le meilleur moment de notre traversée.  Après des vagues qui nous donneront mal aux fesses durant trois jours, nous arrivons à Turbo.  Turbo mérite bien sa réputation de ville laide et sale d’où vous voudrez immédiatement partir. C’est ce qu’on fait : on saute dans le premier bus vers Monteria, en s’assurant au passage que le bus arrêtera pour dîner à un endroit où l’on peut retirer de l’argent : on est à sec. Finalement, il n’arrêtera ni pour un dîner ni encore moins dans un guichet automatique : on sera quitte pour gratter nos fonds de poches et demander un peu d’argent à une Suissesse dans notre bus.  Ce sera assez pour grignoter, mais ça ne fait pas un repas!  Comble de malheur, dans le transfert du bateau au bus, j’ai perdu le biberon d’Ariel, alors le pauvre ne parvient pas vraiment à s’endormir.  On arrive à Monteria cinq heures plus tard, exténués.  Pour récompenser les enfants qui se sont vraiment comportés en champions toute la journée, on va dans le seul hôtel de la ville avec piscine.  Ils sont heureux et Élias me dira même que « c’est hôtel, papa, c’est vraiment un beau spot! »  Ça me fait tellement plaisir mon grand, tu le mérites vraiment!   On passe la soirée au centre commercial et mangeons dans un resto italien, des pâtes et de la pizza qui nous changent du riz, des frijoles et de la friture.

Le lendemain, dernière étape de notre traversée : Monteria - Cartagène : quatre heures de bus qu’on fait en bus voyageur cette fois.  Personne ne voyage le 24 décembre alors on a la moitié du bus à nous seuls et cette fois, après avoir trouvé un guichet, on achète un lunch avant de partir!  Cette petite étape s’avèrera cependant moins facile que ce qu’elle s’annonçait.  Ça ne sera pas quatre heures, mais bien six (pour un peu, on en viendra à ne plus croire les Colombiens quand ils nous parlent de temps!) et l’arrêt d’autobus est à quarante cinq minutes du centre historique…  Il nous faut ensuite trouver un hôtel…  Le premier hôtel où l’on demande, la chambre change de prix à tous les vingt secondes des 5 minutes que Christine discute avec la gérante, pour finalement se faire dire qu’il n’y a pas de place pour nous…  On n’y comprend trop rien, mais c’est pas trop grave il y a environ douze hôtels sur un seul coin de rue, alors on verra si on a plus de chance au suivant.  Pendant que Christine va de porte en porte comme Marie et Joseph un certain autre 24 décembre, je suis installé avec nos bagages sur le trottoir (je bloque TOUT le trottoir) et les deux grands ont véritablement l’air de deux corps morts évachés sur les sacs  (faut dire qu’ils ont tout deux dormi dix minutes dans le taxi et qu’on a dû les réveiller de force pour les asseoir sur le trottoir sur leurs bagages, pas très beau réveil… ). Bref, à force de faire pitié, la dame du premier hôtel n’en peut plus de nous voir sur le trottoir d’en face, sort dans la rue et nous offre finalement une chambre  avec cinq lits, petits déjeuner inclus, avec cuisine commune, pour un modique 40 dollars par nuit, ce qui est tout à fait respectable!  Bref on aura réussi à trouver un endroit où dormir, et c’est mieux qu’une étable!  Nous voici donc à Carthagène, ville classée patrimoine mondial par l’UNESCO, et nous n’avons plus qu’à attendre Bertha. La grande traversée est terminée!

Nous passons finalement une semaine complète à Carthagène, le bateau étant (évidemment) en retard. Lui qui devait partir le 21 est finalement parti le 28!  La ville est superbe.  Les bâtiments sont merveilleusement conservés, ainsi que la muraille qui l’entoure, initialement pour la protéger des pirates.  On y découvre de nombreuses églises, des places, des statues et des petits cafés qui mettent leur table sur le trottoir où on peut déguster de délicieux jus de fruit frais.  L’ambiance de la ville est vraiment agréable, festive et relax en même temps  Les vendeurs itinérants se promènent avec leur thermos de café ou leur glacière de bière (!), alors on voit partout sur les trottoirs des gens qui sirotent un café ou tètent une bière.  Les enfants aiment beaucoup la visite du fort, qui les impressionne par ses canons, ses tunnels et ses dispositifs de guerre.  On passe aussi beaucoup de temps à la plage, car il faut le dire, il fait vraiment très, très chaud à Carthagène.  

Promenade sur les remparts de la ville
La magnifique ville de Carthagène




Belle visite du fort San Felipe

Le 29 décembre, on a finalement la confirmation que Bertha est arrivée. Jean-François s’empresse donc d’aller au port pour commencer les démarches afin qu’on puisse récupérer notre maison roulante le 30.  Bien que nous sommes vraiment heureux d’avoir pu vivre un  autre type de voyage avec nos trois mousses, après deux semaines sans elle, Bertha nous manque et nous avons bien hâte de la retrouver.  Notre grande traversée nous a permis de découvrir les îles San Blas et Capurgana, merveilleuses et inaccessibles par la route.  Elle nous a aussi permis de constater à quel point nos enfants sont rendus de grands voyageurs.  Pendant ces deux semaines, ils nous ont impressionnés à chaque jour, dans les différents hôtels où nous avons dormi, pendant nos tours de bateau, de bus , de 4x4 et de taxis, et en explorant Carthagène nous un soleil de plomb.  Bravo les gars, on est fier de vous!  Bravo tout particulier à Élias qui, vraiment, a été génial.

Alors avec un peu de chance, demain nous retrouverons enfin Bertha et Noël pourra enfin arriver pour nous.  Eh oui, on a décidé de repousser Noël, d’abord de trois puis de six jours, pour le fêter dans Bertha, il était tout à fait impossible de traîner les cadeaux avec tous les transferts  qu’on a fait…  Alors si vous vous sentiez en retard, vous pouvez nous souhaiter  Joyeux Noël aujourd’hui, vous êtes encore d’actualité!  Quant à nous, on vous souhaite à tous une bonne et heureuse année!  On vous aime!



vendredi 23 décembre 2011

Le Panama

 Nous sommes entrés au Panama par la cote caraïbe, à la frontière de Sixaola.  Les formalités d’entrée se sont étonnamment bien déroulées, les douaniers étant plus préoccupés à voir comment notre camion était bien fait et pratique que par les formalités à remplir.  En essayant de sortir de la ville, nous nous sommes perdus trois fois.  Première différence avec le Costa Rica : la signalisation routière est inexistante au Panama. 

Nous voulions nous rendre à Bocas del Toro, un groupe d’îles non loin de la frontière.  Mais la pluie, qui tombe sans arrêt depuis trois jours, nous a découragé et nous avons plutôt décidé de poursuivre notre route pour nous rapprocher du Pacifique, en espérant y retrouver le soleil.  Après environ une heure de route, on se retrouve arrêtés, derrière une file de camions et d’autobus.  On nous dit que la route est fermée, qu’il faut attendre ou rebrousser chemin.  Je pars donc aux nouvelles pour savoir ce qui se passe.  Je reviens plutôt amusé…  moi qui croyais que le mauvais temps avait encore emporté une route, eh bien non, pas cette fois-ci.  Cette fois-ci, c’est un village au complet qui a mis des troncs d’arbre pour bloquer un pont !  La raison : le gouvernement a  fait passer une ligne de pylônes électriques au milieu de leur territoire et a exproprié les paysans sans rien leur offrir en retour.  Plutôt sauvage, à la manière Amérique latine… La population a décidé de se faire écouter (à la manière Amérique latine) et ils ont bloqué environ 200 camions de livraison.  Pendant que je discute avec les paysans, Christine offre le café à tous les malchanceux qui sont bloqués comme nous…  Différence d’avec chez nous : les gens, dans l’attente, ne montrent aucun signe d’impatience, même si les premiers bloqués le sont depuis 36 heures ! Leur méthode fonctionnera. Quelques heures plus tard, alors qu’il fait déjà noir, le pont est ouvert, un membre du gouvernement est venu discuter sur place et a promis un accord… Ce soir-là, on dort chez Marilyn, une charmante Panaméenne qui nous permet de dormir sur son terrain. Comme il pleut, nos deux grands vont jouer sous son porche,  ils tombent immédiatement sous le charme de Marilyn, qui leur fait visiter sa maison, et leur offre du jello.  Même notre Théo, d’ordinaire si farouche, ne s’en peut plus de lui faire des accolades et des câlins en partant le lendemain matin!  Nos deux grands nous répéteront une partie de la matinée que lorsqu’ils seront grands, ils reviendront au Panama pour venir voir  Marilyn…

Maison typique sur la côte caraïbe
 On longe d’abord la côte caraïbe où l’on voit plusieurs indigènes habillées en tenue traditionnelle. Pour un peu on se croirait au Guatemala. On grimpe ensuite des vertigineuses montagnes  (montée et descente de plus de 2000 mètres dans le même jour !) pour redescendre ensuite vers l’autre côte, la pacifique, et à notre grand bonheur : le soleil est au rendez-vous.  Mais les indications sont si défaillantes (pour ne pas dire absentes !) qu’on fait un détour de plus de 80 kilomètres !  (en montagne avec Bertha, ce n’est jamais de tout repos).  On s’arrête à David, capitale de la province Chiriqui, où l’on fait l’épicerie et bien qu’on nous avait prévenus, on est renversés par le côté « consommateurs effrénés » des Panaméens, on n’a pas vu une si grande diversité de produits depuis la Californie !  On tentera également de se trouver une carte routière du Panama, mais sans succès : ça doit être une des seules choses introuvables ici.  On dort le soir sur les berges d’une rivière au tombe une chute à quelques 10 kilomètres de David.

 Le lendemain, on monte vers le volcan Baru et son parc national. Arrêt à Boquete, où l’on demande des informations (étant donné que c’est la façon de faire ici, puisqu’il n’y a pas de cartes !).  On monte jusqu’au bout de la route, à la cabane du ranger du Sendero de los quetzales, où l’on dormira.  On passera deux jours à se promener dans ce joli sentier qui traverse et retraverse sans cesse la rivière Caldera, où Ariel adore les moutons qu’on voit dans les premiers kilomètres et où l’épaisse forêt reprend ensuite ses droits.  On dort comme des bébés, dans la fraîcheur de la montagne, à 2000 mètres…  Autre charmant bivouac.





















On redescendra ensuite vers Caldera, où il y a des bains termaux.  Et le soir on s’endort bercés par le son de la rivière Chiriqui. Un autre très joli bivouac.  Le lendemain, on se dirige vers les bains termaux et surprise, on se rend compte que les bains termaux sont sur la propriété d’un particulier.  En fait, il faut pratiquement passer dans sa maison pour les atteindre !  Qu’à cela ne tienne, on est venu pour ça, on ira.  Ariel est heureux qu’on fasse enfin une activité pour lui : on prend un bain pendant toute la matinée !  Élias apprécie aussi, Théo, lui préfère de loin grimper sur les grosses roches qui sont dans la rivière.  On fera un petit tour de cheval avec le propriétaire  (en partie pour se sauver la marche de retour avec des enfants (et des adultes) ramollis par les bains termaux !) On comprend que le propriétaire en question a un domaine de plus de 400 hectares, et grâce à ce petit tour, on découvre un bivouac magnifique, une plage sur la rivière Chiriqui tout près d’une autre rivière d’une clarté à faire pâlir les rocheuses, et en plus, cette fois-ci, on peut se stationner sur la plage en toute sécurité.  Pendant que les enfants dorment, on passe longtemps à veiller au bord du feu, sous les étoiles, comme si le bonheur était tout près, comme si en tendant la main, on pourrait enfin l’attraper, pour de bon.. .  Étrange et délicieux sentiment, on se sent à la fois au bout du monde,  et à la fois comme si nous étions au Mont-Tremblant.
Les moustiques ne nous lâchent toujours pas...

Ariel aimerait bien mettre des bobettes lui aussi!




















Prochain arrêt : la péninsule d’Azurero.  Après une longue journée de route, presque 400 kilomètres (ça fait un bail qu’on a pas tant roulé ! on est décidément rendus pépères…), on arrive à la péninsule…  On pensait que trouver une plage serait facile… erreur.  On cherche pendant presque une heure, on demande à tous ceux qu’on rencontre où est la plage la plus proche, et chacun nous envoie dans des directions différentes.  On commence à s’échauffer lorsqu’on entend  leurs : facil, por  alla (facile par là, comme si par là était une indication claire !), ou encore todo recto, (tout droit) quand évidemment, aucune route n’est droite au Panama !  Une personne aura quand même réussi à nous diriger tout droit dans un petit coin de paradis : El Enoa.  Encore une fois, on a la plage à nous seuls, ça semble être avant tout un endroit de résidences secondaires, mais au début décembre, c’est vide…  Il y a du bois à profusion sur la plage pour faire tous les feux qu’on veut, des milliers de Bernard l’ermitte au grand bonheur d’Élias qui a bien dû en ramasser deux cents et la plage descend tout doucement sur presqu’un demi kilomètre… Et nous dormons encore sur la plage…  Saint-Nicolas réussit même à nous retrouver et laisse des petites surprises dans les souliers des enfants.  Ils sont aux anges et je me rends compte d’un fait troublant : j’ai lu aujourd’hui, lorsque les enfants ne dormaient même pas !  J’ai pu lire (en levant les yeux après chaque paragraphe tout de même), avec mes enfants autour de moi…  c’est vous dire s’ils grandissent.


La visite de St-Nicolas










Notre arrêt suivant est à Santa-Clara, dans un RV Park !  On passe plusieurs heures sur internet (qui est rare au Panama, c’est l’explication de notre long silence internet) et les enfants sortent de cet arrêt tout ratatinés, après avoir macéré de longues heures dans leur piscine.


On se dirige ensuite vers El Valle, où des randonnées et des bains termaux sont au rendez-vous.  Mais comme el Valle se situe dans le cratère d’un ancien volcan, il nous pleut dessus sans arrêt, et comme on a l’impression d’avoir déjà donné côté pluie, eh bien, on est bien heureux de sacrer le camp, après deux jours…  Le soir on dort à Veracruz, une plage où les gens de la capitale viennent se détendre ou s’éclater durant la fin de semaine, c’est selon.  La vue sur la plus américaine des capitales de l’Amérique centrale est imprenable, pour un peu ce serait magnifique, mais les déchets sont partout sur la plage.  Ça dérange évidemment davantage Christine et moi que les enfants…  Après quelques heures, d’abord avec Ariel puis avec les deux grands  qui semblaient trouver notre jeu amusant, on ramasse les déchets : six gros sacs de poubelle…

Vous connaissez l’histoire de l’homme et des étoiles de mer ?  Eh bien, il était une fois un homme qui à chaque matin, se promenait sur une plage où s’échouaient d’innombrables étoiles de mer.  À chaque matin, il prenait dans ses mains ces étoiles et les relançaient à la mer.  Un matin, une dame passe par là.  Elle s’arrête.  Le regarde faire.  Elle ne comprend pas.  Elle se met à l’observer avec attention.  Plus elle le regarde, plus elle est convaincue qu’il est fêlé.  Elle se décide finalement et l’accoste : 
  • Pardon Monsieur…
  • Oui…
  • Que faites-vous ici ?
  • Bien, c’est simple, je rejette les étoiles de mer à la mer.
  •  Pourquoi faites-vous cela ?  Vous ne pourrez jamais toutes les sauver.


En entendant cela, l’homme se penche et ramasse une étoile de mer.  Il la regarde longuement…  la femme le regarde, interloquée.  Sans un regard pour la femme, il prend son élan et lance l’étoile de mer, de toutes ses forces.  Il la regarde s’enfoncer dans l’eau, puis soupire.  Longtemps après que les ronds dans l’eau aient disparu, il fixe toujours la mer.  Finalement, il se retourne vers la dame et lui dit : « Vous avez raison, je ne les sauverai pas toutes, mais elle, elle est sauvée… »

Bref, j’aurais pu passer de longues semaines à ramasser des déchets sans rien changer au triste sort de ma planète.  Mais, je me dis que puisque je l’ai fait avec mes enfants, peut-être que ceux-ci, contrairement à ma génération, pourront faire une différence…

Le lendemain, arrivée à Panama Ciudad, la célèbre ville du canal.  On en revient pas de l'écart entre la Panama rural, plutôt pauvre, et la ville de Panama, riche et moderne. On doit y faire des démarches qui, paraît-il, sont douloureuses, pour envoyer notre Bertha en Colombie.  En effet, aucune route n’a jamais été construite entre le Panama et la Colombie.  Selon les discours officiels, c’est une jungle intense qui est depuis longtemps le fief des cartels de drogue colombiens.  Vous trouvez la raison étrange ?  Elle l’est en effet…  surtout depuis que ces cartels ont pratiquement été démembrés en totalité.  Quoi qu’il en soit, il faut envoyer Bertha en bateau de Colon à Carthagène.  La somme est exorbitante, 3600 $ pour une traversée de douze heures, et bien qu’on le savait en avance, on ne peut s’empêcher de se poser des questions.  La traversée de la Paz à Mazatlan, de dix-huit heures avait coûter 1000 dollars et les Français nous disent qu’il coûte moins cher de traverser l’Atlantique que de passer du Panama à la Colombie.  Étrange vous me direz, ce l’est en effet.  Le moins qu’on puisse dire, c’est que puisqu’une seule compagnie fait la traversée, ça ne sent pas particulièrement l’argent propre.
Le pont des Amériques, en arrivant à Panama ciudad

Mais ceci dit, il faut d’abord aller à l’agence Barwill, où l’on se met d’accord pour le prix, et il faut ensuite attendre le lendemain pour aller à la police qui inspecte le véhicule (car elle est évidemment ouverte qu’une heure par jour ! entre dix et onze).  Je devrai ensuite aller à la douane car les douaniers, à l’entrée au pays, avaient fait une erreur dans mon document d’importation temporaire du véhicule et je retourne à toute vitesse à la police qui inspecte les véhicules, j’y arrive à dix heures 57 et par magie ils me laissent entrer…  Je dois revenir quatre heures plus tard, dans un autre bureau de police, où l’on me donnera un papier qui atteste que j’ai le droit de sortir du pays. Je dois le lendemain retourner à l’agence Barwill où je dois payer (cash !) et enfin j’ai mon laisser passer pour aller au port.  Trois jours de démarche, et la voiture n’est toujours pas au port.

On avait prévu que les démarches seraient longues et fastidieuses et on s’était dit qu’il était dans l’intérêt de tous de prendre ça relax, de respirer par le nez…  Malheureusement on a plus ou moins réussi.  On a d’abord passé notre première journée, après notre rencontre à l’agence Barwill, dans le vieux Panama. Casco Viejo est superbe et on est tous aux anges.  On arrête même dans un resto où l’on sert de la pizza italienne qui goûte la pizza italienne et de la salade césar qui goûte la salade césar !  Bref, pure joie pour le palais.  Ensuite, il se met à tomber des clous et on retourne à Bertha tout mouillés, plutôt amusés d’avoir sauté tous les cinq à pieds joints dans les trous d’eau (c’est le plaisir de voyager avec des enfants, même les adultes ont le droit de sauter dans les trous d’eau !).  


Visite du cartier historique
On se dirige ensuite vers un centre d’achat, où l’on veut y passer la nuit.  Mais je suis un affreux copilote, Christine a beau faire de son mieux, il tombe des cordes, notre carte ne vaut rien, toutes les rues sont en construction et on nous fait faire des détours inimaginables.  Bref ça nous prend deux heures pour trouver le put.. de Mall, alors que ça aurait dû nous prendre quinze minutes… On arrive les deux les nerfs à bout, les miens plus encore que ceux de Christine… Elle m’ordonne donc de rester avec les deux plus petits qui dorment et elle se dirige courageusement, avec Élias, dans l’antre de la consommation (faut ce qui faut, Noël approche !)  C’est le bordel total, quand je la rejoins dans le Mall, c’est elle qui est au bout de ses nerfs, mais on réussit néanmoins à passer une belle soirée, jusqu’à ce qu’un garde vienne nous dire qu’on ne peut pas dormir dans ce stationnement…  faut décamper, en pleine nuit, sous la pluie. Décidément, je me sens loin du Canada (à Calgary, il y a même des bornes électriques dans les stationnements de centre d’achats pour y brancher les motorisés !)…

Belles balades sur le causeway
Le reste de notre séjour à Panama ciudad  a été du même genre : de belles découvertes telles les superbes écluses et le musée du canal et le causeway (jetée de terre qui a été construite avec la terre du canal pour relier trois îles à la ville de Panama), et beaucoup de frustrations !  Tout est si long et si pénible, on peut attendre 20 minutes pour qu’une caissière ne serve qu’un seul client, on peut attendre encore plus longtemps pour sa facture au restaurant, les embouteillages sont permanents et les klaxons…  Bref, Panama Ciudad aura été fort épuisante, et en y sortant, on se sent libérés !  enfin sortis !

Célèbres autobus de Panama ciudad
Finalement, je porterai Bertha au port vendredi le 16, et après une autre journée lourde en stress et en attente, je laisse les clés du véhicule à 5 heures 15. Je rejoins ensuite ma petite famille qui m’a attendu à Panama Ciudad.  Nous récupérerons Bertha à Carthagène en Colombie le 27 décembre…

Vous lirez la suite, notre traversée du Darien sans Bertha.  Et pour vous donner un avant goût de la prochaine chronique, Christine m’avait ainsi résumé nos deux options pour traverser de Panama Ciudad à Carthagène :  « Soit on s’assume en tant que gens riches, soit on s’assume en tant que cinglés ! » Je vous laisse deviner ce qu’on a choisi…

Départ pour une nouvelle aventure














 Mais d’ici là, on vous souhaite à vous tous que nous aimons énormément, et à ceux qu’on ne connaît pas mais qui nous lisent, un très joyeux Noel.  Nous vous souhaitons beaucoup de bonheur et nous nous ennuyons de vous, particulièrement pour ce moment de réjouissance.  Nous vous embrassons de loin et souhaitons à chacun de vous de réaliser vos rêves…