Douze heures après notre arrivée au Nicaragua, nous voyons le soleil ! Après 12 jours de pluie, ça fait décidément du bien… Notre premier arrêt est dans une réserve naturelle, la Reserva Natural Cerro Tisey-Estanzuela. Bien qu’on ne puisse se rendre aux chutes comme nous l’espérions (le pont s’est effondré en raison des pluies diluviennes des derniers jours), on trouve tout de même un chouette endroit comme bivouac, dans la cour d’un ranch. Le lendemain on part découvrir les environs à pieds. Notre plan est de marcher les 5 km qui nous sépare du village le plus proche puisque la route est tellement boueuse qu’on n’a pas envie de s’y aventurer avec Bertha. (En fait on avait tenter de s’y aventurer la veille, mais on a bien passé près d’y rester embourber). On avait souhaiter faire le retour à cheval mais tous les chevaux des environs sont dans les champs, essayant de réparer se que la pluie a détruit. Encore une fois nos deux grands nous impressionnent en marchant joyeusement plus de 8 km. En fait, il a tellement plu que la route est devenue une course à obstacle : sauter par dessus des ruisseaux, marcher en équilibre sur des roches, enlever nos souliers et traverser un gué… Avec la présence de nombreux animaux sur la route (cochons, poules, chevaux, ânes et oiseaux), cela nous fait une promenade bien divertissante. Nous avons en prime droit à un magnifique mirador au village, d’ou nous voyons la vallée, les montagnes et même le lac Nicaragua au loin.
Sur la route le lendemain, nous voyons un dépotoir et décidons de nous y arrêter pour vider nos eaux usées (l’absence de camping nous oblige à nous vider dans les dépotoirs depuis notre sortie du Mexique). Habituellement, ils sont vides et on fait cela rapidement… Mais lorsqu’on entre dans le dépotoir, on est accueillis par une quinzaine d’enfants entre 5 et 15 ans qui nous proposent leur aide pour décharger nos déchets. Ils semblent bien surpris lorsqu’on leur explique qu’on veut seulement jeter de l’eau sale… Ils nous regardent faire en souriant et en nous placotant. On repart le cœur tout chaviré… Pendant qu’on s’émerveille du développement de nos trois petits loups, de leurs progrès et des apprentissages qu’ils tirent de notre aventure, d’autres enfants, nés dans un pays moins chanceux que le nôtre, grandissent au milieu des déchets, dans la saleté et la puanteur totale… Ça fait réfléchir…
Nous avons ensuite le bonheur de trouver un camping ! Notre dernier camping remonte a Palenque, il y a 2 mois… Les enfants sont fous de joie. Il y a même un petit parc avec des jeux et des arbres idéaux pour apprendre à y grimper et on peut faire des feux. En mangeant nos hamburgers cuits sur le feu, assis autour d’une table à pique-nique à la lueur des bougies, on se sent dans notre élément, on se sent presque chez nous… On passe deux jours dans le parc du Volcan de Massaya, cela nous fait du bien à tous de retrouver des grands espaces. En raison de la situation de sécurité un peu incertaine au Guatémala et au Salvador, nous avons dormi seulement dans des endroits sécurisés, donc principalement des stationnements. On grimpe aussi notre premier volcan, le volcan de Massaya. On voit des fumerolles qui s’échappent du cratère voisin, et on fait une jolie marche tout autour du cratère avec des points de vue superbes.
Randonnée autour du cratère du volcan de Masaya |
Notre prochain arrêt est à la laguna Appoyo, un lac dans le cratère d’un volcan. Super belle journée de baignade, le lac est clair et il fait un gros soleil. On y arrive vers 8h30 le matin et il faut forcer les enfants à sortir de l’eau à 15 h ! Élias déclare qu’il aime tellement ce lac qu’il veut y rester toute sa vie ! On finit par réussir à partir, après maintes négociations, nos trois garçons sont tout ratatouillés et épuisés.
Ça fatigue la baignade... |
On passe la nuit à Grenade. Quelle belle ville ! On se stationne sur la place centrale, en face de la cathédrale. Les maisons sont toutes peintes de couleurs chatoyantes, les rues ne sont pas trop étroites… On est de bonne humeur, on se sent l’esprit à la fête. Je nous cuisine des pâtes au fruits de mer pour le souper. Nous offrons une assiette à un sans abri, assis devant la porte de notre Bertha depuis notre arrivée. En voyant la rapidité avec laquelle il l’engloutit, Théo déclare qu’il pense que le monsieur a encore faim et qu’il veut un dessert. Il lui offre une banane et un biscuit, que l’homme s’empresse d’engloutir en nous remerciant. On passe une partie de la soirée à discuter de la chance qu’on a et de l’importance du partage…
Notre dernier arrêt est à San Jorge, au bord du Lago de Nicaragua. Pour convaincre les enfants de partir de la laguna de appoyo, nous leur avions promis qu’ils pourraient se baigner très bientôt dans un autre lac mais quelle déception en arrivant ! La plage est encombrée de déchets et pas du tout invitante… Le soleil frappe et la chaleur intense. On décide donc de s’arrêter pour deux nuits au seul hôtel de San Jorge avec une piscine. Le lendemain, nous prenons le bateau pour l’île d’Ometepe au centre du lac. L’île, dominée par deux volcans, est de toute beauté. On se reprend et on passe la journée à se baigner, sur une plage pas mal plus invitante, ainsi qu’à Ojo de agua, un bassin alimenté par une source. Les enfants sont heureux, et nous aussi. Cette journée clôt notre visite du Nicaragua. Ce pays, méconnu encore préservé du tourisme de masse, vaut vraiment le détour et nous aurions pu y passer encore plusieurs jours. Volcans, plages, lacs, parcs nationaux, randonnées pédestres et très belles villes coloniales s’y côtoient. À considérer si vous vous demandez où passer vos prochaines vacances!
L'île d'Ometepe et ses deux volcans |
Plusieurs se sont étonnés de mon silence et du peu de chroniques que j’ai écrites… Il faut dire que je n’ai jamais été très prompte à étaler mes sentiments, j’ai une certaine timidité, que je vais essayer de surmonter… Donc voilà 4 mois que nous sommes sur la route. Nous avons parcouru plus de 20 000km et traversé 8 pays. Nous avons décidément trouvé un beau rythme familial à travers cette aventure. Les enfant s’endorment maintenant facilement et rapidement (enfin, presque toujours) dans notre Bertha. Théo est maintenant capable de sauter sa sieste de l’après-midi certaines journées, tout en acceptant d’en faire les jours où nous roulons longtemps. Chacun a trouvé son espace et ses habitudes dans Bertha.
Tout comme nous, les enfants sont avides de découvertes et on est impressionnés par la complexité de leurs questions, ainsi que par leur mémoire pour nos réponses. Ils parlent maintenant couramment de cenotes, de rivières souterraines, de volcans et de cratères, des avantages comparés des Toyota et des Mercedes, de l’ordre et de la longueur des pays traversés et de ceux qui s’en viennent, ainsi que des nombreux animaux que nous avons vu sur la route (singe hurleur, coati, dindon ocelé, dauphins, tortues, poisons, etc). Ils sont commencé à collectionner les monnaies des différents pays et sont fascinés par le fait que l’argent change d’un pays à l’autre. Ils ont aussi développé une belle endurance pour la marche, on peut facilement les faire marcher 5-8 km en autant qu’on discute de tout ce qu’on croise sur notre chemin… Ariel parle beaucoup, il doit dire au moins 50 mots, dont 3 en espagnol. Il est devenu un excellent grimpeur, un peu trop au goût de ses parents (il monte et descend de son lit et essaye de grimper dans le lit d’Élias en se mettant debout sur la barrière du sien… pas très rassurant). Élias démontre une curiosité pour l’espagnol et un désir de communiquer avec les gens qu’il rencontre qui sont impressionnants. Il est maintenant capable de demander des choses simples et de répondre aux questions qu’on pose habituellement aux touristes (comment tu t’appelles, quel âge as-tu, d’où viens-tu).
Quand à moi je vais aussi très bien. Plusieurs ont souligné le caractère stressant de notre aventure… Cependant, pour nous, ce n’est pas si stressant que cela semble l’être de l’extérieur et je suis plutôt zen. Étant donné que les choses se passent rarement comme prévues, j’apprends à moins planifier et aussi à moins m’inquiéter. Lorsqu’on est entré au Mexique, j’étais affreusement inquiète pour notre sécurité. Je gère maintenant beaucoup mieux cette inquiétude et je me fie à mon instinct. Si je trouve un endroit louche et que je suis inconfortable, on change de place et on trouve un autre bivouac. Pour le reste (les bris de Bertha, les bibittes, la pluie), je savais que cela ferait partie du voyage. Les deux semaines de pluie ont cependant été difficiles. À un certain moment, j’ai vraiment douté qu’on réussisse à sortir du Guatemala sain et sauf avec notre Bertha. Mais cette tempête nous a aussi permis de voir un autre visage du Guatemala : les gens qui sortent tous pour réparer la rue ou le quai de leur village, qui se mettent spontanément à plusieurs pour sortir un pick up de la boue et des enfants de paysans qui enlèvent les roches qui encombrent les routes avec leur bêche. Tout ça sans s’attendre à être payé en retour… Une mobilisation collective belle à voir, qui porte à réfléchir à notre fonctionnement individualiste dans nos sociétés. Et on s’améliore comme parent, car si ces deux semaines ont été difficiles pour nous et si on a parfois douté qu’on en verrait le bout, cela n’a pas semblé paraître pour les enfants puisqu’ils ont été très peu affectés par la situation. La seule plainte est venue de Théo, lors de notre première journée au Salvador, qui nous a dit très calmement « moi ce qui me ferait plaisir, c’est de jouer plus dehors ». Je vous laisse imaginer qu’elles ont été nos activités du lendemain…
J’espère que ce petit bilan de notre premier trimestre de voyage satisfera votre curiosité. Vous me direz encore que je parle peu de moi et beaucoup de nos enfants… J’ai l’impression que pour moi, le fait de voir mes enfants épanouis, reposés et heureux me comble. C’était l’objectif principal de notre aventure : passer du temps de qualité en famille, tout en ouvrant nos enfants au monde. Le reste n’a, dans le fond, que peu d’importance. C’est vrai que notre itinéraire a été modifié, nous avons passé que peu de temps au Guatemala et surtout dans la pluie, et que Bertha est trop souvent chez le réparateur… Mais ne vous en faites pas pour Bertha. Elle a souffert du voyage, mais sans doute moins que ce que vous ne l’imaginez. Bien que les repas avec nos familles respectives et les cafés avec mes amis me manquent, curieusement, notre isolement social ne me pèse pas trop. Je dois être plus sauvage que je ne le pensais… On développe une proximité et une intensité dans nos relations entre nous que je recherchais, et même qui ont fait partie de mes motivations pour imaginer et réaliser cette aventure. Et nous retrouverons ma sœur, mes neveux et mon beau-frère très bientôt, pour nous rassasier d’amour et de nouvelles du Québec !