Aux dernières nouvelles, nous étions le 16 décembre et à Panama city, sans Bertha… On vous avait laissés deviner si nous étions davantage riches ou cinglés… Alors voici donc les choix : soit on prenait un avion (cher!) pour Carthagène, avec escale à Bogotá; soit on se rendait à Carti, dernière ville accessible par la route sur la côte caraïbe au Panama et demandions aux gens de la place de nous voyager en bateau jusqu’à Puerto Obaldia, le poste frontalier, puis vers Capurgana et enfin vers Turbo, d’où il est possible de prendre des bus vers Carthagène. Comme vous l’imaginez, on a opté pour la grande traversée. D’abord, parce qu’on avait bien envie de voir les îles San Blas et Capurgana, ensuite, on avait bien envie de faire un clin d’œil à notre passé de Backpacker et se réessayer, avec des enfants et enfin, faut le dire, la traversée en bateau du mythique Darien gap nous paraissait dangereusement excitante, et nous avions dix jours devant nous…
Nous voilà donc le samedi matin, les trois gars le sac au dos en attendant notre quatre quatre qui nous amènera à Carti. Même si le 4X4 est moins pittoresque que ce à quoi on s’attendait : gros pick-up rutilant et climatisé, le voyage lui, le sera : musique kétaine latino, cellulaires (eh, oui il en avait deux) qui sonnent à tour de rôle et parfois même ensemble!, innombrables arrêts( pour parler à des amis, attendre des gens qui ne viennent pas, aller aux toilettes, s’acheter un sac de chips, etc.). Et, cerise sur le sundae, pour le dernier tronçon, qui est sur une route mauvaise et montagneuse, comme s’il s’était rendu compte qu’il devait faire le voyage en deux heures trente, il se met à rouler en fou. Tellement qu’en sortant on est tous verts! Dire qu’il est resté arrêté au moins quarante minutes durant le trajet pour ensuite rouler comme s’il était au volant d’une F1!
Lorsqu’on arrive à se qu’on croit être Carti, on se sent vraiment au bout du monde. On est sur une piste d’atterrissage, car le terme aéroport serait vraiment exagéré pour ce que c’est, il y a une ou deux maisonnettes et deux petits quais en bois où sont accrochées des barques à moteur. Germain Perez, notre contact, nous souhaite la bienvenue, ou plutôt non, il nous dit d’abord que nous n’avons pas assez payé, que les enfants devaient aussi payer. En général, je ne fais pas trop d’histoires, mais là, on s’était entendu sur un prix et Christine lui avait même parlé en personne…On voit tout de suite à qui nous aurons affaire, et lui aussi : on ne paiera pas un sou de plus… On prend finalement une barque qui nous amène à Carti, et c’est là qu’on comprend que Carti n’était pas l’aéroport, mais plutôt une île. L’arrivée sur l’île est encore plus renversante que l’arrivée à l’aéroport, je ne crois pas m’être déjà senti autant au bout du monde… Des maisons sur chaque pouce de l’île, des rues minuscules, des cordes à linge de bord en bord des rues, les enfants à moitié nus, les toilettes qui sont des quais dans lequel il y un trou qui donne directement dans la mer, les femmes en habits traditionnels (paréo noir, blouse faite à la main, foulard rouge sur la tête et des bracelets aux mollets si serrés que les plus vieilles en ont les jambes déformées!) certaines avec des anneaux au nez et des peintures au visage… On me dirait que je suis en Polynésie et je le croirais. Mais non, je suis chez les Kuna, un des groupes indigènes les mieux préservés et avec le plus de pouvoir sur leur territoire de toutes les Amériques. Mais ce n’est pas tout.
L'île de Carti |
Femmes Kuna en habit traditionnel |
Notre hutte |
On se dirige vers notre « hôtel », qui s’avère en fait être la maison de ce cher Germain… Il y a une chambre pour nous au deuxième étage, mais pas de garde-fou devant un escalier casse-cou, et par les murs on voit l’extérieur alors que par le plancher on peut voir le rez-de chaussée, salle commune dans laquelle il est difficile de se sentir le bienvenu : environ dix personnes y vivent déjà. Les rues de Carti sont si petites qu’il est presque impossible de jouer dehors pour nos enfants, pas question de se baigner sur cette île : la quantité de déchets est épeurante, et les toilettes, ben je vous en ai déjà parlé! Bref, on ne sait pas si on a vieilli, mais nos sentiments sont moitié fascination moitié répulsion. On décide finalement qu’on se trouve bien chanceux de voir ça, mais qu’on ne restera pas là une nuit de plus! Le lendemain, on découvre enfin le paradis tel que ceux qui sont tombés amoureux des îles San Blas l’on découvert avant nous. Une île où il y a deux maisons et trois huttes pour héberger des touristes, des cocotiers, du sable blanc, la mer turquoise, la banc de corail qui touche l’île. C’est Génial! On dormira deux soirs dans notre hutte au plancher de sable, murs de roseaux et toit de palme. Seul le bateau pour rejoindre Puerto Obaldia nous fera sortir de notre trou, dans lequel on serait volontiers restés plus longtemps, mais Germain organise des traversées de Carti à Puerto Obaldia lorsqu’il y a assez de gens pour remplir un bateau, et un bateau part le 19, et il est impossible de savoir quand partira le prochain… Alors au revoir Isla Azuelo…
Vous entendez la mer? |
Les nouveaux amis d'Élias, Théo et Ariel |
Le matin du départ... |
La beauté des îles San Blas |
Pour se remettre de nos émotions, on reste trois nuits à Capurgana. La village n’étant relié par aucune route, il n’y a pas de voiture à Capurgana. Le transport s’y fait à pied, à cheval ou en bateau, ce qui évidemment donne un air très décontract à ce charmant bled. La côte caraïbe a ici un charme fou, sa population est métissée (noire, espagnole et indigène) il fait toujours soleil et les nuits sont fraiches. Bref, un séjour très agréable et très tranquille…
On reprend le bateau pour Turbo le 23 au matin, on a peur que le 25, tout soit fermé et que nous nous retrouvions dans un indicible trou, alors en partant le 23, on se donne toutes les chances d’arriver à Carthagène le 24. Donc à sept heures du matin, nos trois mousses sont sur le quai, sac au dos et attendent leur bateau en mangeant une brioche. La traversée sera plus courte, deux heures et demie, mais brassera encore plus. Encore une fois, nos petits nous impressionnent. Élias, comme on a souvent eu la chance de s’en rendre compte, est à son mieux dans l’adversité : durant de long moment je m’occupe de Théo et Christine s’occupe d’Ariel. Il nous manque de bras, et… pour la première fois, Élias semble comprendre. Malgré son mal de cœur, il fait de grands efforts et patiente, sachant que le voyage prendra fin et que son mal de cœur aussi. Alors il tient bon. Nous avons la chance d’apercevoir un groupe d’en quinzaine de dauphin, qui passent très près de notre bateau. Certains effectuent même des sauts en dehors de l’eau, le meilleur moment de notre traversée. Après des vagues qui nous donneront mal aux fesses durant trois jours, nous arrivons à Turbo. Turbo mérite bien sa réputation de ville laide et sale d’où vous voudrez immédiatement partir. C’est ce qu’on fait : on saute dans le premier bus vers Monteria, en s’assurant au passage que le bus arrêtera pour dîner à un endroit où l’on peut retirer de l’argent : on est à sec. Finalement, il n’arrêtera ni pour un dîner ni encore moins dans un guichet automatique : on sera quitte pour gratter nos fonds de poches et demander un peu d’argent à une Suissesse dans notre bus. Ce sera assez pour grignoter, mais ça ne fait pas un repas! Comble de malheur, dans le transfert du bateau au bus, j’ai perdu le biberon d’Ariel, alors le pauvre ne parvient pas vraiment à s’endormir. On arrive à Monteria cinq heures plus tard, exténués. Pour récompenser les enfants qui se sont vraiment comportés en champions toute la journée, on va dans le seul hôtel de la ville avec piscine. Ils sont heureux et Élias me dira même que « c’est hôtel, papa, c’est vraiment un beau spot! » Ça me fait tellement plaisir mon grand, tu le mérites vraiment! On passe la soirée au centre commercial et mangeons dans un resto italien, des pâtes et de la pizza qui nous changent du riz, des frijoles et de la friture.
Le lendemain, dernière étape de notre traversée : Monteria - Cartagène : quatre heures de bus qu’on fait en bus voyageur cette fois. Personne ne voyage le 24 décembre alors on a la moitié du bus à nous seuls et cette fois, après avoir trouvé un guichet, on achète un lunch avant de partir! Cette petite étape s’avèrera cependant moins facile que ce qu’elle s’annonçait. Ça ne sera pas quatre heures, mais bien six (pour un peu, on en viendra à ne plus croire les Colombiens quand ils nous parlent de temps!) et l’arrêt d’autobus est à quarante cinq minutes du centre historique… Il nous faut ensuite trouver un hôtel… Le premier hôtel où l’on demande, la chambre change de prix à tous les vingt secondes des 5 minutes que Christine discute avec la gérante, pour finalement se faire dire qu’il n’y a pas de place pour nous… On n’y comprend trop rien, mais c’est pas trop grave il y a environ douze hôtels sur un seul coin de rue, alors on verra si on a plus de chance au suivant. Pendant que Christine va de porte en porte comme Marie et Joseph un certain autre 24 décembre, je suis installé avec nos bagages sur le trottoir (je bloque TOUT le trottoir) et les deux grands ont véritablement l’air de deux corps morts évachés sur les sacs (faut dire qu’ils ont tout deux dormi dix minutes dans le taxi et qu’on a dû les réveiller de force pour les asseoir sur le trottoir sur leurs bagages, pas très beau réveil… ). Bref, à force de faire pitié, la dame du premier hôtel n’en peut plus de nous voir sur le trottoir d’en face, sort dans la rue et nous offre finalement une chambre avec cinq lits, petits déjeuner inclus, avec cuisine commune, pour un modique 40 dollars par nuit, ce qui est tout à fait respectable! Bref on aura réussi à trouver un endroit où dormir, et c’est mieux qu’une étable! Nous voici donc à Carthagène, ville classée patrimoine mondial par l’UNESCO, et nous n’avons plus qu’à attendre Bertha. La grande traversée est terminée!
Nous passons finalement une semaine complète à Carthagène, le bateau étant (évidemment) en retard. Lui qui devait partir le 21 est finalement parti le 28! La ville est superbe. Les bâtiments sont merveilleusement conservés, ainsi que la muraille qui l’entoure, initialement pour la protéger des pirates. On y découvre de nombreuses églises, des places, des statues et des petits cafés qui mettent leur table sur le trottoir où on peut déguster de délicieux jus de fruit frais. L’ambiance de la ville est vraiment agréable, festive et relax en même temps Les vendeurs itinérants se promènent avec leur thermos de café ou leur glacière de bière (!), alors on voit partout sur les trottoirs des gens qui sirotent un café ou tètent une bière. Les enfants aiment beaucoup la visite du fort, qui les impressionne par ses canons, ses tunnels et ses dispositifs de guerre. On passe aussi beaucoup de temps à la plage, car il faut le dire, il fait vraiment très, très chaud à Carthagène.
Promenade sur les remparts de la ville |
La magnifique ville de Carthagène |
Belle visite du fort San Felipe |
Le 29 décembre, on a finalement la confirmation que Bertha est arrivée. Jean-François s’empresse donc d’aller au port pour commencer les démarches afin qu’on puisse récupérer notre maison roulante le 30. Bien que nous sommes vraiment heureux d’avoir pu vivre un autre type de voyage avec nos trois mousses, après deux semaines sans elle, Bertha nous manque et nous avons bien hâte de la retrouver. Notre grande traversée nous a permis de découvrir les îles San Blas et Capurgana, merveilleuses et inaccessibles par la route. Elle nous a aussi permis de constater à quel point nos enfants sont rendus de grands voyageurs. Pendant ces deux semaines, ils nous ont impressionnés à chaque jour, dans les différents hôtels où nous avons dormi, pendant nos tours de bateau, de bus , de 4x4 et de taxis, et en explorant Carthagène nous un soleil de plomb. Bravo les gars, on est fier de vous! Bravo tout particulier à Élias qui, vraiment, a été génial.
Alors avec un peu de chance, demain nous retrouverons enfin Bertha et Noël pourra enfin arriver pour nous. Eh oui, on a décidé de repousser Noël, d’abord de trois puis de six jours, pour le fêter dans Bertha, il était tout à fait impossible de traîner les cadeaux avec tous les transferts qu’on a fait… Alors si vous vous sentiez en retard, vous pouvez nous souhaiter Joyeux Noël aujourd’hui, vous êtes encore d’actualité! Quant à nous, on vous souhaite à tous une bonne et heureuse année! On vous aime!