jeudi 7 juillet 2011

Pourquoi partir?

Partir un an avec trois enfants de moins de cinq ans à travers les Amériques, de Montréal à la Terre de feu.  Telle était l’idée de départ.  Plusieurs nous ont offert leurs regards polis et réprobateurs quand nous ne nous sommes pas fait traiter carrément de fous.  En fait, ces gens ont sans doute un peu raison: c’est peut-être un projet de fou.  En effet, aucune raison sensée ne semble justifier pleinement un tel projet.   Nous ne le faisons pas par défi,  le défi n’a rien à voir avec ce projet.  Ce n’est évidemment pas une fuite, nous étions heureux à Montréal. Ce n’est pas non plus dans un but pédagogique, nos enfants sont trop jeunes pour qu’un tel voyage marque leur personnalité de façon indélébile. Il y a même fort à parier que pour Ariel, qui a tout juste un an, les souvenirs qu’il en gardera auront été créés de toutes pièces à partir de photos ou de vidéos, ou à partir des récits de ses frères et parents. Alors pourquoi partir?  Il ne reste que l’aventure.  Et c’est probablement parce que l’aventure n’a rien d’explicable ni de raisonnable, parce que l’aventure danse  avec la folie, que les gens qui nous traitent de fous ont sans doute un peu raison. 
Mais pourquoi partir à l’aventure? La question est-elle pertinente?  Difficile à dire, mais la réponse, elle, l’est.  Peut-être que Christine et moi avions l’impression qu’autre chose existe.  Que la vie à Montréal dans notre quotidien que nous avons bâti n’embrasse pas toute la vie.  Qu’une partie de nous est en dormance et que plutôt que de continuer à l’endormir, nous avons voulu l’éveiller.  Que la chaise bien confortable où nous étions assis ne l’est plus.  Qu’il est temps de se lever, de mettre un pied devant l’autre sans trop savoir où notre chemin nous mènera, guidés par le seul besoin d’avancer, de tanguer, de perdre l’équilibre pour mieux le retrouver.  Mais surtout, partir parce que nous en ressentons le besoin.  Un besoin inexprimable qui était sans doute celui des explorateurs des temps passés.
Et comme pour ces derniers, les raisons de ne pas partir sont toujours plus nombreuses. À trente ans et avec trois enfants, nous devrions sans doute  consolider nos vies professionnelles, utiliser l’argent amassé pour se donner plus de confort, habiter dans plus spacieux et plus confortable.  Mais pourtant, le besoin de partir, le besoin de vivre autre chose et surtout, de le faire en famille est plus fort.  Comme si nous sentions qu’il sera toujours temps plus tard pour la carrière ou pour une autre maison, mais pour la famille?  ( Comme le disait A.D. à Christine: sur notre lit de mort nous demanderons-nous : Coudonc, est-ce que j’ai assez travaillé dans ma vie?)  Nous sentions qu’il était plus important que tout de passer du temps avec nos enfants et cette aventure nous semblait la plus belle façon de le faire : sans le stress du travail, de la garderie  et des mille et une obligations que nous nous créons parfois de toutes pièces.  Nos enfants auraient la chance d’avoir durant un an des parents qui tenteraient de s’émerveiller  et de découvrir au rythme de l’enfance: à leur rythme. Mais surtout, nous voulions avoir le temps de prendre ce temps en famille, sans devoir faire entrer ce temps dans une case horaire d’une semaine trop chargée.  Nous voulions que passer du temps ensemble devienne un mode de vie.
Et il y a aussi à quelque part au fond de nous le désir de démontrer à tous ceux qui nous liront que les rêves sont encore possibles, pour peu qu’on y croit. Prouver qu’une autre façon de vivre existe, que l’on peut être profondément soi-même, si l’on s’en donne la chance.  Don Quichotte n’est pas mort, nous en sommes cinq qui partons nous mesurer à autant de géants et moulins à vent.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire