vendredi 23 décembre 2011

Le Panama

 Nous sommes entrés au Panama par la cote caraïbe, à la frontière de Sixaola.  Les formalités d’entrée se sont étonnamment bien déroulées, les douaniers étant plus préoccupés à voir comment notre camion était bien fait et pratique que par les formalités à remplir.  En essayant de sortir de la ville, nous nous sommes perdus trois fois.  Première différence avec le Costa Rica : la signalisation routière est inexistante au Panama. 

Nous voulions nous rendre à Bocas del Toro, un groupe d’îles non loin de la frontière.  Mais la pluie, qui tombe sans arrêt depuis trois jours, nous a découragé et nous avons plutôt décidé de poursuivre notre route pour nous rapprocher du Pacifique, en espérant y retrouver le soleil.  Après environ une heure de route, on se retrouve arrêtés, derrière une file de camions et d’autobus.  On nous dit que la route est fermée, qu’il faut attendre ou rebrousser chemin.  Je pars donc aux nouvelles pour savoir ce qui se passe.  Je reviens plutôt amusé…  moi qui croyais que le mauvais temps avait encore emporté une route, eh bien non, pas cette fois-ci.  Cette fois-ci, c’est un village au complet qui a mis des troncs d’arbre pour bloquer un pont !  La raison : le gouvernement a  fait passer une ligne de pylônes électriques au milieu de leur territoire et a exproprié les paysans sans rien leur offrir en retour.  Plutôt sauvage, à la manière Amérique latine… La population a décidé de se faire écouter (à la manière Amérique latine) et ils ont bloqué environ 200 camions de livraison.  Pendant que je discute avec les paysans, Christine offre le café à tous les malchanceux qui sont bloqués comme nous…  Différence d’avec chez nous : les gens, dans l’attente, ne montrent aucun signe d’impatience, même si les premiers bloqués le sont depuis 36 heures ! Leur méthode fonctionnera. Quelques heures plus tard, alors qu’il fait déjà noir, le pont est ouvert, un membre du gouvernement est venu discuter sur place et a promis un accord… Ce soir-là, on dort chez Marilyn, une charmante Panaméenne qui nous permet de dormir sur son terrain. Comme il pleut, nos deux grands vont jouer sous son porche,  ils tombent immédiatement sous le charme de Marilyn, qui leur fait visiter sa maison, et leur offre du jello.  Même notre Théo, d’ordinaire si farouche, ne s’en peut plus de lui faire des accolades et des câlins en partant le lendemain matin!  Nos deux grands nous répéteront une partie de la matinée que lorsqu’ils seront grands, ils reviendront au Panama pour venir voir  Marilyn…

Maison typique sur la côte caraïbe
 On longe d’abord la côte caraïbe où l’on voit plusieurs indigènes habillées en tenue traditionnelle. Pour un peu on se croirait au Guatemala. On grimpe ensuite des vertigineuses montagnes  (montée et descente de plus de 2000 mètres dans le même jour !) pour redescendre ensuite vers l’autre côte, la pacifique, et à notre grand bonheur : le soleil est au rendez-vous.  Mais les indications sont si défaillantes (pour ne pas dire absentes !) qu’on fait un détour de plus de 80 kilomètres !  (en montagne avec Bertha, ce n’est jamais de tout repos).  On s’arrête à David, capitale de la province Chiriqui, où l’on fait l’épicerie et bien qu’on nous avait prévenus, on est renversés par le côté « consommateurs effrénés » des Panaméens, on n’a pas vu une si grande diversité de produits depuis la Californie !  On tentera également de se trouver une carte routière du Panama, mais sans succès : ça doit être une des seules choses introuvables ici.  On dort le soir sur les berges d’une rivière au tombe une chute à quelques 10 kilomètres de David.

 Le lendemain, on monte vers le volcan Baru et son parc national. Arrêt à Boquete, où l’on demande des informations (étant donné que c’est la façon de faire ici, puisqu’il n’y a pas de cartes !).  On monte jusqu’au bout de la route, à la cabane du ranger du Sendero de los quetzales, où l’on dormira.  On passera deux jours à se promener dans ce joli sentier qui traverse et retraverse sans cesse la rivière Caldera, où Ariel adore les moutons qu’on voit dans les premiers kilomètres et où l’épaisse forêt reprend ensuite ses droits.  On dort comme des bébés, dans la fraîcheur de la montagne, à 2000 mètres…  Autre charmant bivouac.





















On redescendra ensuite vers Caldera, où il y a des bains termaux.  Et le soir on s’endort bercés par le son de la rivière Chiriqui. Un autre très joli bivouac.  Le lendemain, on se dirige vers les bains termaux et surprise, on se rend compte que les bains termaux sont sur la propriété d’un particulier.  En fait, il faut pratiquement passer dans sa maison pour les atteindre !  Qu’à cela ne tienne, on est venu pour ça, on ira.  Ariel est heureux qu’on fasse enfin une activité pour lui : on prend un bain pendant toute la matinée !  Élias apprécie aussi, Théo, lui préfère de loin grimper sur les grosses roches qui sont dans la rivière.  On fera un petit tour de cheval avec le propriétaire  (en partie pour se sauver la marche de retour avec des enfants (et des adultes) ramollis par les bains termaux !) On comprend que le propriétaire en question a un domaine de plus de 400 hectares, et grâce à ce petit tour, on découvre un bivouac magnifique, une plage sur la rivière Chiriqui tout près d’une autre rivière d’une clarté à faire pâlir les rocheuses, et en plus, cette fois-ci, on peut se stationner sur la plage en toute sécurité.  Pendant que les enfants dorment, on passe longtemps à veiller au bord du feu, sous les étoiles, comme si le bonheur était tout près, comme si en tendant la main, on pourrait enfin l’attraper, pour de bon.. .  Étrange et délicieux sentiment, on se sent à la fois au bout du monde,  et à la fois comme si nous étions au Mont-Tremblant.
Les moustiques ne nous lâchent toujours pas...

Ariel aimerait bien mettre des bobettes lui aussi!




















Prochain arrêt : la péninsule d’Azurero.  Après une longue journée de route, presque 400 kilomètres (ça fait un bail qu’on a pas tant roulé ! on est décidément rendus pépères…), on arrive à la péninsule…  On pensait que trouver une plage serait facile… erreur.  On cherche pendant presque une heure, on demande à tous ceux qu’on rencontre où est la plage la plus proche, et chacun nous envoie dans des directions différentes.  On commence à s’échauffer lorsqu’on entend  leurs : facil, por  alla (facile par là, comme si par là était une indication claire !), ou encore todo recto, (tout droit) quand évidemment, aucune route n’est droite au Panama !  Une personne aura quand même réussi à nous diriger tout droit dans un petit coin de paradis : El Enoa.  Encore une fois, on a la plage à nous seuls, ça semble être avant tout un endroit de résidences secondaires, mais au début décembre, c’est vide…  Il y a du bois à profusion sur la plage pour faire tous les feux qu’on veut, des milliers de Bernard l’ermitte au grand bonheur d’Élias qui a bien dû en ramasser deux cents et la plage descend tout doucement sur presqu’un demi kilomètre… Et nous dormons encore sur la plage…  Saint-Nicolas réussit même à nous retrouver et laisse des petites surprises dans les souliers des enfants.  Ils sont aux anges et je me rends compte d’un fait troublant : j’ai lu aujourd’hui, lorsque les enfants ne dormaient même pas !  J’ai pu lire (en levant les yeux après chaque paragraphe tout de même), avec mes enfants autour de moi…  c’est vous dire s’ils grandissent.


La visite de St-Nicolas










Notre arrêt suivant est à Santa-Clara, dans un RV Park !  On passe plusieurs heures sur internet (qui est rare au Panama, c’est l’explication de notre long silence internet) et les enfants sortent de cet arrêt tout ratatinés, après avoir macéré de longues heures dans leur piscine.


On se dirige ensuite vers El Valle, où des randonnées et des bains termaux sont au rendez-vous.  Mais comme el Valle se situe dans le cratère d’un ancien volcan, il nous pleut dessus sans arrêt, et comme on a l’impression d’avoir déjà donné côté pluie, eh bien, on est bien heureux de sacrer le camp, après deux jours…  Le soir on dort à Veracruz, une plage où les gens de la capitale viennent se détendre ou s’éclater durant la fin de semaine, c’est selon.  La vue sur la plus américaine des capitales de l’Amérique centrale est imprenable, pour un peu ce serait magnifique, mais les déchets sont partout sur la plage.  Ça dérange évidemment davantage Christine et moi que les enfants…  Après quelques heures, d’abord avec Ariel puis avec les deux grands  qui semblaient trouver notre jeu amusant, on ramasse les déchets : six gros sacs de poubelle…

Vous connaissez l’histoire de l’homme et des étoiles de mer ?  Eh bien, il était une fois un homme qui à chaque matin, se promenait sur une plage où s’échouaient d’innombrables étoiles de mer.  À chaque matin, il prenait dans ses mains ces étoiles et les relançaient à la mer.  Un matin, une dame passe par là.  Elle s’arrête.  Le regarde faire.  Elle ne comprend pas.  Elle se met à l’observer avec attention.  Plus elle le regarde, plus elle est convaincue qu’il est fêlé.  Elle se décide finalement et l’accoste : 
  • Pardon Monsieur…
  • Oui…
  • Que faites-vous ici ?
  • Bien, c’est simple, je rejette les étoiles de mer à la mer.
  •  Pourquoi faites-vous cela ?  Vous ne pourrez jamais toutes les sauver.


En entendant cela, l’homme se penche et ramasse une étoile de mer.  Il la regarde longuement…  la femme le regarde, interloquée.  Sans un regard pour la femme, il prend son élan et lance l’étoile de mer, de toutes ses forces.  Il la regarde s’enfoncer dans l’eau, puis soupire.  Longtemps après que les ronds dans l’eau aient disparu, il fixe toujours la mer.  Finalement, il se retourne vers la dame et lui dit : « Vous avez raison, je ne les sauverai pas toutes, mais elle, elle est sauvée… »

Bref, j’aurais pu passer de longues semaines à ramasser des déchets sans rien changer au triste sort de ma planète.  Mais, je me dis que puisque je l’ai fait avec mes enfants, peut-être que ceux-ci, contrairement à ma génération, pourront faire une différence…

Le lendemain, arrivée à Panama Ciudad, la célèbre ville du canal.  On en revient pas de l'écart entre la Panama rural, plutôt pauvre, et la ville de Panama, riche et moderne. On doit y faire des démarches qui, paraît-il, sont douloureuses, pour envoyer notre Bertha en Colombie.  En effet, aucune route n’a jamais été construite entre le Panama et la Colombie.  Selon les discours officiels, c’est une jungle intense qui est depuis longtemps le fief des cartels de drogue colombiens.  Vous trouvez la raison étrange ?  Elle l’est en effet…  surtout depuis que ces cartels ont pratiquement été démembrés en totalité.  Quoi qu’il en soit, il faut envoyer Bertha en bateau de Colon à Carthagène.  La somme est exorbitante, 3600 $ pour une traversée de douze heures, et bien qu’on le savait en avance, on ne peut s’empêcher de se poser des questions.  La traversée de la Paz à Mazatlan, de dix-huit heures avait coûter 1000 dollars et les Français nous disent qu’il coûte moins cher de traverser l’Atlantique que de passer du Panama à la Colombie.  Étrange vous me direz, ce l’est en effet.  Le moins qu’on puisse dire, c’est que puisqu’une seule compagnie fait la traversée, ça ne sent pas particulièrement l’argent propre.
Le pont des Amériques, en arrivant à Panama ciudad

Mais ceci dit, il faut d’abord aller à l’agence Barwill, où l’on se met d’accord pour le prix, et il faut ensuite attendre le lendemain pour aller à la police qui inspecte le véhicule (car elle est évidemment ouverte qu’une heure par jour ! entre dix et onze).  Je devrai ensuite aller à la douane car les douaniers, à l’entrée au pays, avaient fait une erreur dans mon document d’importation temporaire du véhicule et je retourne à toute vitesse à la police qui inspecte les véhicules, j’y arrive à dix heures 57 et par magie ils me laissent entrer…  Je dois revenir quatre heures plus tard, dans un autre bureau de police, où l’on me donnera un papier qui atteste que j’ai le droit de sortir du pays. Je dois le lendemain retourner à l’agence Barwill où je dois payer (cash !) et enfin j’ai mon laisser passer pour aller au port.  Trois jours de démarche, et la voiture n’est toujours pas au port.

On avait prévu que les démarches seraient longues et fastidieuses et on s’était dit qu’il était dans l’intérêt de tous de prendre ça relax, de respirer par le nez…  Malheureusement on a plus ou moins réussi.  On a d’abord passé notre première journée, après notre rencontre à l’agence Barwill, dans le vieux Panama. Casco Viejo est superbe et on est tous aux anges.  On arrête même dans un resto où l’on sert de la pizza italienne qui goûte la pizza italienne et de la salade césar qui goûte la salade césar !  Bref, pure joie pour le palais.  Ensuite, il se met à tomber des clous et on retourne à Bertha tout mouillés, plutôt amusés d’avoir sauté tous les cinq à pieds joints dans les trous d’eau (c’est le plaisir de voyager avec des enfants, même les adultes ont le droit de sauter dans les trous d’eau !).  


Visite du cartier historique
On se dirige ensuite vers un centre d’achat, où l’on veut y passer la nuit.  Mais je suis un affreux copilote, Christine a beau faire de son mieux, il tombe des cordes, notre carte ne vaut rien, toutes les rues sont en construction et on nous fait faire des détours inimaginables.  Bref ça nous prend deux heures pour trouver le put.. de Mall, alors que ça aurait dû nous prendre quinze minutes… On arrive les deux les nerfs à bout, les miens plus encore que ceux de Christine… Elle m’ordonne donc de rester avec les deux plus petits qui dorment et elle se dirige courageusement, avec Élias, dans l’antre de la consommation (faut ce qui faut, Noël approche !)  C’est le bordel total, quand je la rejoins dans le Mall, c’est elle qui est au bout de ses nerfs, mais on réussit néanmoins à passer une belle soirée, jusqu’à ce qu’un garde vienne nous dire qu’on ne peut pas dormir dans ce stationnement…  faut décamper, en pleine nuit, sous la pluie. Décidément, je me sens loin du Canada (à Calgary, il y a même des bornes électriques dans les stationnements de centre d’achats pour y brancher les motorisés !)…

Belles balades sur le causeway
Le reste de notre séjour à Panama ciudad  a été du même genre : de belles découvertes telles les superbes écluses et le musée du canal et le causeway (jetée de terre qui a été construite avec la terre du canal pour relier trois îles à la ville de Panama), et beaucoup de frustrations !  Tout est si long et si pénible, on peut attendre 20 minutes pour qu’une caissière ne serve qu’un seul client, on peut attendre encore plus longtemps pour sa facture au restaurant, les embouteillages sont permanents et les klaxons…  Bref, Panama Ciudad aura été fort épuisante, et en y sortant, on se sent libérés !  enfin sortis !

Célèbres autobus de Panama ciudad
Finalement, je porterai Bertha au port vendredi le 16, et après une autre journée lourde en stress et en attente, je laisse les clés du véhicule à 5 heures 15. Je rejoins ensuite ma petite famille qui m’a attendu à Panama Ciudad.  Nous récupérerons Bertha à Carthagène en Colombie le 27 décembre…

Vous lirez la suite, notre traversée du Darien sans Bertha.  Et pour vous donner un avant goût de la prochaine chronique, Christine m’avait ainsi résumé nos deux options pour traverser de Panama Ciudad à Carthagène :  « Soit on s’assume en tant que gens riches, soit on s’assume en tant que cinglés ! » Je vous laisse deviner ce qu’on a choisi…

Départ pour une nouvelle aventure














 Mais d’ici là, on vous souhaite à vous tous que nous aimons énormément, et à ceux qu’on ne connaît pas mais qui nous lisent, un très joyeux Noel.  Nous vous souhaitons beaucoup de bonheur et nous nous ennuyons de vous, particulièrement pour ce moment de réjouissance.  Nous vous embrassons de loin et souhaitons à chacun de vous de réaliser vos rêves…


4 commentaires:

  1. Joyeux Noël à vous tous !!!

    On pense à vous :-)

    Simon et toute sa famille.

    RépondreSupprimer
  2. Nous sommes aujourd'hui le 28 décembre. J'espère que vous avez retrouvé hier cette brave Bertha.
    Je vous souhaite à tous une belle année 2012. Riche en découvertes. au sens propre comme au sens figuré.
    Pierre

    RépondreSupprimer
  3. Nous avons tous pensé à vous le 28, journée de "votre" noël. J'espère que les enfants ont eu une belle journée, que vous avez retrouvé Bertha sans difficulté et que vous profitez de ce temps de festivité en famille. Vos garçons sont magnifiques, vous me manquez. Bisous a tout le monde et un gros calin a mon filleul adoré.

    RépondreSupprimer
  4. Je suis toujours émue et époustouflée de vous lire.
    Vous êtes profondément dans nos coeurs.
    Je vous embrasse tous très fort.

    Ginette xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

    RépondreSupprimer