Voici une chronique spéciale, écrite à 4 mains… Mais c’est promis, à la demande générale, la prochaine sera de Christine…
Nous nous doutions bien qu’en étant en Amérique centrale durant la saison des pluies, on ne s’en sortirait pas sans les pieds mouillés… mais là, les attentes on été plus que dépassées, c’est plus qu’une douche à laquelle on a eu droit, un vrai déluge…
Après Copan, on voulait se rendre d’un coup à Antigua, ce qui faisait une longue journée de route. Nous avons passé presque 4 jours à Antigua, où étrangement nous n’avons pratiquement rien vu, Bertha était due pour un petit tour chez le mécanicien, notre blog dû pour une petite mise à jour et les enfants eux, étaient dus pour perdre leur temps à jouer autour de Bertha sans qu’on leur dise quoi faire, et comme on avait élu domicile dans le stationnement de la police touristique où ils permettent de camper, tout ça était possible. D’ailleurs, si une chose n’a pas changé à Antigua, c’est que c’est toujours un endroit pour rencontrer d’autres voyageurs : Amélie et Marion, deux Françaises qui traversent les Amériques en sens inverse, David et Jessica, deux Argentins que nous recroiserons sans doute, Marek, un Québécois rencontré à Tikal et à qui nous avions offert le lift à partir de Copan. À part ça, Antigua est tant sursaturée de touristes qu’on entend pratiquement davantage parler anglais qu’espagnol. Bref, c’est avant tout un excellent endroit pour rencontrer des touristes, mais le repos a fait du bien… Nous avons repris la route vers le Nord : en route pour le cœur du Guatemala.

Comme nous étions à Zunil, où nous nous baignons dans l’eau chaude (bouillante) d’un volcan, le ciel s’est mis à nous tomber sur la tête, littéralement. En redescendant de Zunil vers Quetzaltenango, on voyait les torrents amener avec eux les champs de toute la région, l’image était déjà cauchemardesque… Mais on a réussi à redescendre sans trop de mal et à s’arrêter à Quetzaltenango.
 |
Quetzaltenango et son marché des fleurs |

Le lendemain nous étions au marché de Momostenango, où nous nous sommes rendus en bus, au grand plaisir des gars, (et au grand soulagement des chauffeurs de Bertha qui pour une fois se faisaient conduire). Dans ce petit village, c’est nous qui étions l’attraction touristique, nos trois amours ont attiré bien des regards et des sourires.
 |
Le marché de Momostenango |
Au retour, le ciel a recommencé à nous tomber sur la tête, la pluie, toujours la pluie. Nous nous informons sur la température prévue dans les prochains jours. On nous répond qu’on ne sait pas trop, qu’il se peut que la fin d’un ouragan qui frappe au Mexique touche le Guatémala mais que ce n’est pas certain. De nature optimiste, nous décidons le lendemain de nous diriger vers San Martin de Sacatepequez, où nous voulons monter un volcan pour se baigner dans la laguna de Chicabal, située dans son cratère. Mais pendant la nuit, la pluie s’est mise à tomber si fort que l’on ne pouvait dormir. Le lendemain matin, en voyant la quantité d’eau tombée pendant la nuit, on a pris nos cliques et nos claques et on s’est enfuis. C’est au rythme de tortue qu’on a finalement rejoint Quetzaltenango. On a appris que quelques heures après notre passage, la route entre San Martin et Quetzaltenango s’effondrait. Elle restera bloquée pendant plusieurs jours. En arrivant à Quetzaltenango, l’endroit où nous avions déjà dormi trois nuits était sinistré, des coulées de boue avait détruit la rue. Il nous a fallu tourner en rond avant de trouver un endroit potable dans les rues épouvantablement étroites de Quetzaltenango. La queue de l’ouragan qui avait frappé le Mexique était en train de toucher le Guatemala.
Devant ce déluge, nous avons décidé de partir pour le Lago Atitlan le lendemain. Il ne fallait que s’y rendre, ensuite on stationnerait Bertha le temps qu’il faudrait, en attendant que la queue de l’ouragan passe. Le calcul semblait bon…


Le lendemain, le pont reliant Panajachel à Solola fut emporté, qu’à cela tienne, on prendrait l’autre route. Ce jour-là, on a vu des éboulements si gros qu’ils recouvraient quatre voies d’autoroute et dépassaient Bertha en hauteur (on avait quand même libéré une voie pour la circulation). Nous avons dû attendre une heure avant qu’une pelle mécanique vienne déblayer la voie pour que nous puissions passer, et cerise sur le sundae, une rivière a emporté la route qui nous menait à Panajachel. Nous y avons fait la queue, avec une trentaine d’autres véhicules, en observant les véhicules qui passaient et ceux qui rebroussaient chemin. Les plus téméraires traversaient la rivière à toute allure. Nous ne nous y sommes pas risqués. Nous avons misé sur la prudence et avons dormi au village le plus proche : San Andrés de Semetabaj. On avait bien mérité notre bouteille de vin au souper.
 |
La pelle mécanique qui nous permet de passer |
 |
Les plus téméraires passent... nous non. |
Le lendemain, à notre grande surprise : la route est réparée et nous arrivons à Panajachel. Ouf… Nous prenons un tour de lancha sur ce très beau lac, même quand c’est gris, vers Santa Catarina Palopo, où les rues sont un vrai labyrinthe (aux dires des enfants) la plupart ne font que trois pieds de large et une bonne chance que le village est construit sur un flanc de montagne (il n’y a qu’à se laisser descendre pour retrouver le lac, et du coup son chemin !)
 |
Le Lago de Atitlan, beau même sous les nuages |
 |
Tour de lancha |
 |
Santa Catarina del Palopo |
Mais dès l’après-midi, la pluie recommence de plus belle. En lisant les journaux, mauvaise nouvelle : après la queue de l’ouragan, une nouvelle dépression, (12E) frappe le Guatemala depuis la veille, et le mauvais temps est là pour durer. Après une seconde journée à Panajachel, il faut se rendre à l’évidence : il faut sacrer le camp au plus vite, on annonce de la pluie pour encore une semaine. Selon les rumeurs, deux des quatre frontières avec le Salvador sont bloquées : ponts effondrés, et on ne sait quelle route sera la suivante à s’écrouler… C’est les dents serrées qu’on prend la route avec un seul objectif : rouler jusqu’à ce qu’on retrouve le beau temps. Dodo le soir tout près de la frontière Salvadorienne, avec l’impression que le pire de la tempête est derrière nous. Mais si nous avons droit à un peu de soleil en fin d’après-midi, il pleut toute la nuit. Le lendemain, les scènes dantesques sous une pluie torrentielle continuent, des rues devenues des rivières d’un pied de profond dans lesquelles on DOIT passer, des rivières qui passent par dessus des barrages, et peut-être le plus triste, des vallées tant inondées qu’on ne voit qu’une trentaine de centimètres des toits des maisons dépasser de la plaine devenue un lac. C’est surréaliste. Le temps n’est plus maintenant aux photos. Une immense tristesse nous envahit devant tant de maisons détruites.
On pensait qu’au Salvador, la tempête n’aurait pas tant frappé, mais c’est tout aussi le déluge. Après avoir malgré tout traversé presque tout le pays, nous nous arrêtons tout près de la famille chez qui Jean-François avait habité en 2000, lors d’un stage d’initiation à la coopération internationale. Nous sommes frappés par la gentillesse des Salvadoriens qu’on rencontre ce soir-là : on nous laisse stationner gratuitement dans la cour d’un hôtel, et même utiliser leur laveuse, et le monsieur au restaurant refait un deuxième hamburger pour notre Élias qui a décidé que le Ketchup, c’est infect ! On hésite beaucoup à se diriger vers le sud, où la famille de Jean-François habite. Selon les journaux, c’est la région la plus touchée par les inondations… Comme ils vivent dans un tout petit village, on doute fort qu’il soit accessible… Après plusieurs hésitations on décide de se rendre à la ville la plus proche, Usulutan, et de se renseigner là-bas. En y arrivant, on nous dit d’abord que la route ne passe pas, qu’elle est inondée. Mais on voit passer des bus, alors on leur demande et ils nous affirment que oui, aujourd’hui la route passe ! On saute donc dans un de ces bus (on devient décidément prudents et on laisse Bertha en ville) et on se rend très, très tranquillement à Valle Secco. La route est en effet inondée par endroit et on remercie notre prudence : si le bus passait, Bertha, elle, ne passait pas…
Le paysage a pas mal changé en 10 ans, tellement qu’on doit demander au chauffeur d’autobus de nous avertir en arrivant au village. Après avoir demandé au premier venu s’il connaissait Manuel (et comment ! je suis son cousin, qu’il répond), on suit ses indications pour s’arrêter devant la maison… Sommes-nous à la bonne place ? On voit des gens qui nous regardent, ça doit être eux, finalement, on entend une voix qui semble familière et un homme se lève, c’est lui, c’est sûr, c’est Manuel. En moins de deux Jean-François est dans ses bras, les larmes aux yeux. Manuel répète : mi hijo ! mi hijo regresso ! (Mon fils ! Mon fils est revenu !). Santana sort ensuite de la maison, toute émue, ainsi que leur fille Carmen, fière d’avoir été la première à voir Francisco (Jean-François). On passe la journée chez eux. Les enfants adorent leurs hamacs en plein milieu de la pièce commune, ainsi que les poules, poussins, chats, chevaux, perroquets, etc. Elles nous cuisinent tout ce qu’elles ont sous la main, on mange pour deux jours. On part ensuite avec Manuel, faire la tournée des familles du village, à qui il veut montrer que son fils est bien revenu, avec sa famille en prime ! Ils nous racontent plein de choses que Jean-François a fait et dit il y a plus de 11 ans, c’est impressionnant de voir à quel point cela les a marqués. Dès notre arrivée, Manuel a installé un lit double pour nous. Nous avons bien de la difficulté à leur expliquer que nous ne pouvons pas rester pour la nuit, que notre Bertha nous attend en ville et qu’on ne veut pas la laisser pour la nuit. Ils nous proposent de revenir le lendemain pour qu’on aille tous à la plage ensemble. Ils semblent ignorer ou trouver sans importance que le gouvernement ait interdit l’accès à la mer depuis déjà trois jours en raison des inondations et de la montée du niveau de la mer… On refusera, on devient décidément prudents ! On réussi à retourner à Usulutan dans une boîte de pick up, les bus ayant décidé qu’ils ne passaient plus sur cette route… On est super heureux de notre journée. On vrai rayon de soleil dans cette douzaine mouillée. On décide cependant de maintenir notre plan et de continuer à rouler jusqu’au beau temps. On s’arrête donc à quelques kilomètres de la frontière du Honduras. Notre passage au Salvador aura été bref, mais riche en émotions et en souvenirs.
 |
Santana avec Ariel |
 |
Jean-François avec ses parents d'accueil |
 |
Manuel avec Élias et Ariel |
 |
Santana nous prépare un diner |
 |
Notre famille avec la famille de Manuel et de Santana |
 |
Le retour en pick up, dans la rue devenue rivière |
Le passage au Honduras, lui, sera aussi bref et riche en émotions, mais pas le même type d’émotions. L’entrée au Honduras est plus que pénible, on n’en finit plus de nous envoyer faire des photocopies, chercher des signatures à la porte d’à côté, etc… On réussit néanmoins par entrer. Il pleut autant au Honduras qu’il pleuvait au Salvador et au Guatemala, on commence véritablement à se demander si on verra un jour la fin de cette put… de dépression. Les routes ont des nids de poule épouvantables, les gens sont peu souriants et la ville où l’on avait pensé s’arrêter est si laide qu’on décide de continuer. Rendus à la frontière, on décide qu’il vaut mieux passer plutôt que de rester ici. La véritable aventure commence. On arrive dans un premier petit kiosque, on me demande de faire des photocopies de mon autorisation pour entrer au pays avec Bertha, je trouve ça étrange, mais je ne dis rien, ce n’est pas mon genre de trop m’obstiner aux frontières. On me demande aussi de payer pour révoquer ce permis, je trouve ça vraiment plus étrange, mais je sors les billets sans broncher, ce n’est pas trop mon genre de m’obstiner aux frontières. Le même homme tient à venir inspecter Bertha, ce que j’accepte bien poliment et il me demande ensuite une propina (pourboire). Je lui demande alors s’il n’est pas déjà payé par son gouvernement pour faire ce travail. Lorsqu’il me répond oui, je décampe, il n’aura pas ma propina... et je ne suis pas encore passé à la douane…
À la douane hondurienne, on m’assigne un tramitador (tramite, c’est paperasse, alors un paperasseux) qui me fait encore faire des tas de photocopies de tous mes documents. Je passe voir une première personne qui étampe tous les passeports, sauf le mien, conducteur et propriétaire de Bertha, il me demande de payer trois dollars américains pour chacun de nous, ce que je fais. Je lui demande un reçu. Il dit oui, oui, cherche et recherche. C’est finalement un autre douanier qui vole à son secours et lui donne quatre (et non pas cinq, puisque j’ai payé pour les cinq) petits papiers blancs. Bon, au moins ma famille peut sortir…
Je vais finalement voir l’homme qui a la responsabilité de me laisser sortir avec mon véhicule, les tramitadores sont assis en ligne, attendant leur tour. C’est affreusement long. Le douanier est derrière une porte qui s’ouvre et se ferme pour plusieurs minutes, mais je ne sais pourquoi, plusieurs personnes passent par une autre porte, arrière celle-là, et vont directement faire affaire avec le douanier qui bien souvent ferme la porte pour s’entretenir avec eux. Les clients, eux, doivent rester dehors. Comme l’attente est affreusement longue, j’ai tout le loisir d’observer. Un civil au chandail vert fluo, qui m’avait accueilli avec quelques mots d’anglais et prenait ainsi un air satisfait et important va et vient. Il entre souvent par la porte arrière, et la porte avant se referme aussitôt. Je le vois voler d’un tramitador à l’autre, leur échangeant de l’argent contre des dossiers et repartir aussitôt vers le douanier (par la porte arrière). Je commence à me dire que je ne suis pas sorti du bois… Finalement, c’est le tour de mon paperasseux. Il va voir le douanier, la porte se referme, il revient quelques minutes plus tard et me dit que le système a planté, qu’il faut attendre… Devant ma face longue et incrédule, il me dit que si je paye 10 dollars, le douanier me laisse passer, mais sinon, je dois attendre que le système fonctionne, cela peut prendre cinq, dix minutes, une heure, ou cela peut aller à demain… je commence à bouillir intérieurement. Je lui demande si j’ai bien compris : le système a planté, mais si je paye, pouf ! magie ! le système se remettra a marcher et je pourrai passer. Il me dit oui, j’ai bien compris. Je lui fais répéter maintes et maintes fois: j’ai malheureusement bien compris. Une petite foule d’une demi-douzaine d’Honduriens s’est attroupée autour de nous et ils semblent trouver ça vraiment hilarant lorsque je lance que dans mon pays, une telle attitude s’appelle corruption. Bon. Je prends mon dossier des mains de mon paperasseux et vais voir directement le douanier. Une Nicaraguayenne est en train de le traiter de tous les noms parce qu’il exige d’elle ce que mon paperasseux exigeait de moi, una propina. Elle s’en va ulcérée, et un autre client prend le relais et engueule le douanier hondurien comme du poisson pourri. Au moins je suis fixé sur une chose : les douaniers ne sont pas corrompus qu’avec les gringos, avec leurs voisins aussi. Lorsque le second enguirlandeur s’en va, je prends la chance, je me faufile devant tout le monde et je sors mon plus doux et mielleux perdon señor, avec les yeux du petit touriste gentil en prime, et je lui demande l’autorisation de sortir de son pays, et en moins de deux il étampe mon passeport. Je ne sais comment j’ai réussi, mais j’ai réussi. Soulagé, je sors, plus de deux heures pour sortir d’un pays, j’ai battu tous les records. Mon paperasseux me suit toujours comme un chien de poche, visiblement déçu que j’aie su me passer de lui, et il me demande finalement une propina ! Les bras me tombent ! Il refusait plus tôt de me laisser passer si je ne le payais pas, mais maintenant que j’ai réussi à passer sans lui, il me demande un pourboire pour son bon service ! On aura tout vu ! Vous comprendrez que c’est sans peine qu’on quitte le Honduras…
L’arrivée au Nicaragua est rafraîchissante : ça se fait vite et bien.
Et, après douze heures au Nica, le beau temps est revenu. La suite… au Nicaragua !
C'est bon d'avoir de vos nouvelles après autant d'inquiétude!
RépondreSupprimerVos photos sont tellement belles, vous avez tous beaucoup changé! Je ne reconnais presque plus "petit bébé" Ariel!
♥ ♥ ♥