Ma mère dirait la culture, c’est comme la confiture, moins t’en as, plus tu l’étends. Je veux pas ici passer pour une famille d’analphabètes aculturés, ceux qui nous connaissent un brin ne nous croiraient pas… Seulement, avec trois jeunes enfants, nous ne nous attendions pas vraiment à découvrir la « culture » avec un grand C.
En sortant du traversier nous menant de La Paz à Mazatlan, on était tous crevés. La traversée en bateau avait d’abord été excitante pour les gars, mais finalement longue et épuisante, une fois l’excitation passée. La petite chambre, (trois lits simples), les courants d’air chauds et froids, l’air de la mer humide et même pas rafraîchissant, les premiers contacts avec la bouffe mexicaine de peu de qualité : on était contents de retrouver le plancher des vaches. On ne restera pas à Mazatlan, trop de bruit et trop de gens pour notre état de fatigue. On roulera jusqu’à Teacapan, un petit paradis (aux dires du guide de voyage) où l’on retrouve plus de manguiers que nul part ailleurs au Mexique, en plus des cocotiers, palmiers. La verdure est de retour. Ça fait du bien. Après plus d’une semaine, le désert commençait à nous épuiser. On cherche une plage et on finit par trouver un RV park collé sur un restaurant. Génial ! En tentant de se stationner sur une des dalles de béton conçues exactement pour nous, Bertha s’arrête. Je sors, regarde sous le camion… Merde ! Les dalles de béton sont plus petites que notre Bertha, qui a maintenant le ventre écrasé sur ladite dalle et les quatre roues entre ciel et terre. Les Mexicains n’ont pas compris les dimensions des VR et moi je n’ai pas encore compris les dimensions de ma Bertha… Après une bonne quinzaine de minutes de sacrage intérieur (il faut montrer le bon exemple aux enfants !), je sors le jack et je réussis à lever suffisamment les roues avant pour que les roues arrières touchent le sol, et Christine nous sort du trou. Ouf, on s’est sauvé un nouveau tracteur…
Une fois les sueurs froides passées, nous rencontrons Luis et son amoureuse venus passer les vacances dans la région. Luis est pilote d’avion, il vit à Mexico, a étudié aux Etats-Unis et parle un Anglais comme on n’en rencontre pas au Mexique. Mais je suis plus surpris encore lorsqu’il sort son français ! Il parle couramment français, pour avoir vécu jusqu’à l’âge de huit ans en France. Mais les enfants sont moins surpris par sa maîtrise de ces trois langues et sa gentillesse que par ses talents de pêcheur. Les deux pieds dans l’eau, il sort des petits poissons avec seulement un fil, un plomb, un hameçon et des crevettes, attachées à une bouteille de coke ! Élias et Théo pêchent chacun leur premier poisson, qu’on se réserve pour le lendemain. Comble de gentillesse, Luis nous donne sa ligne à pêche en nous souhaitant bon voyage (je sais, le terme est excessif pour une bouteille de coke, mais faute de mieux…).
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Bivouac à Tecapan |
Mais le paradis décrit par le petit futé s’avère être aussi le paradis des moustiques, ils se régaleront aux dépens d’Élias, de Théo et de Christine. Je ne sais par quel miracle, moi et Ariel serons presque épargnés. Le lendemain, on se paye le restaurant d’à côté et on profite de la piscine pendant une bonne partie de l’après-midi. Lorsque Christine entre dans Bertha, à trois heures, elle n’en ressortira plus jusqu’à notre départ, le lendemain. Décidément, les moustiques ont eu raison d’elle. Les deux grands l’imiteront. Il ne reste que moi et Ariel qui jouent dehors…Décidément, on ne restera pas plus de deux nuits dans ce paradis du maringouin. Durant la nuit, un orage nous tombe dessus et le lendemain, on comprend enfin ce que veut dire « saison des pluies ». Le terrain est inondé, vingt centimètres d’eau recouvre tout le Rv Park ! Vite, il faut qu’on sacre le camp ! Je suis nerveux, Bertha n’est pas un amphibus et je ne sais pas comment nos cinq tonnes réagiront dans l’eau. Finalement, Bertha fait ça comme une championne, mais à un tournant, une tasse d’eau me tombe sur la tête… Il y aura un petit travail de coaking à faire, mon réparateur-débosseleur-soudeur a dû tourner les coins ronds de ce côté… Sur notre chemin, on voit des routes entières transformées en rivières : deux pieds d’eau ont envahi certaines rues, à un tournant, sur un chantier, on voit même une pelle mécanique dont les chenilles au complet sont sous l’eau ! Adieu la côte inondée, adieu moustiques : direction les montagnes.
On s’arrête à Tequila, d’où vient le nom de la fameuse boisson, passage presque obligé pour quelqu’un dans mon genre. Le soir, il y a une fête au village et les gars s’en donnent à cœur joie. La musique est quétaine comme seuls les latinos sont capables de l’être et les garçons adorent ! On aura même droit à une démonstration de danse contemporaine avec crochets à la québécoise, grand spécial Élias et Théo, sur la place de Tequila. Ariel, de son côté, fait les yeux doux à toutes les Mexicaines qu’il rencontre qui ont une assiette avec un morceau de gâteau, et toutes partagent avec lui. Décidément, nos trois mousses ne passent pas inaperçus… On se couche plus tard qu’à l’habitude, bourrés de gâteaux, et heureux.
La place de Tequila |
Le lendemain, passage obligé, on visite une plantation d’agave bleue (fruit à partir duquel est faite la Tequila). C’est une genre d’aloès géante dont on cuit le cœur qui ressemble à un ananas géant (on fait à peine le tour avec nos bras et il peut peser jusqu’à 80 kilos !) pour ensuite l’écraser pour en recueillir le jus qui est distillé par la suite. Les gars ont sans doute préféré l’étang aux canards qu’il y avait sur la plantation, mais bon… il est un peu normal (et presque rassurant !) que la production d’alcool ne soit pas le premier intérêt d’enfants de un, trois et cinq ans.
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Agaves, avec lesquelles on fabrique la tequila |
Prochaine étape : Guadalajarra. Ville de culture et mégacentre urbain, deuxième ville la plus peuplée du Mexique après Mexico DF. Un défi pour les conducteurs de Bertha… Notre périple en ville faillit se terminer en guerre nucléaire : les enfants ont chaud, crient, se battent, sont fatigués, Christine et moi avons les nerfs à vifs. Les rues du centro sont affreusement étroites, des voitures partout, la conduite des Mexicains est archi-stressante (pour dire le moins). On avait espéré se trouver un stationnement payant au Centro, mais voilà : tous les stationnements sont couverts (eh ! c’est ça dans un pays de soleil !) et les toits trop bas pour notre Bertha. Il est interdit de stationner partout même si des Mexicains sont stationnés partout (ce qui inclut évidemment où c’est interdit). Et nos fibres anglos-saxonnes qui respectent les règlements ne sont pas (encore) capable de les enfreindre. L’horreur, il faut se relayer au volant au centre-ville pour que nos nerfs ne flanchent pas… On trouve finalement un stationnement loin du centre dans une petite rue tranquille… En plein quartier universitaire.

On réussit finalement à désamorcer la bombe atomique qui faisait tic et tac, à coups d’autobus mexicains pour se rendre au Centro (où je me paye le luxe d’engueuler le chauffeur qui voulait nous charger le double du prix !), et grâce aux promesses de Christine de voir de belles fontaines… Ça deviendra peu à peu un passage obligé dans toutes les villes suivantes : les fontaines ! Le coup est bien monté par Christine, les fontaines sont sur les places du village, où l’on retrouve bijoux architecturaux et toute la vie des marchés publics : bref, c’est là qu’il faut être et c’est là que les gars veulent être ! La Plaza de Armas de Guadalajara est particulièrement impressionnante, entre autres pour sa cathédrale, ici, la place d’armes au grand complet semble être un musée vivant. En se couchant le soir, moi et Christine, on est plutôt émerveillés par ce que l’on a vu, et encore plus par l’attitude de nos trois gars : ils aiment découvrir les villes ! On croyait un peu que l’on découvrirait dans ce voyage les plages des trois Amériques… Eh bien, ils semblent être heureux d’avoir quitté la côte, d’être dans les montagnes et de se promener en ville! Décidément, ils nous ont bien eus…
Prochain arrêt dans le Michoacan, à Quiroga, où l’on se trouve une autre place avec fontaine où l’on réussit à se stationner. On retrouve ce que l’on connaissait des Amériques: les femmes avec jupes craquées, tabliers, châles, les gens qui déjeunent dehors à dix heures du matin (ici, le coke remplace le mate de coka des peuples andins) le bruit, les popotes sur tous les coins de rues, les marchés plus que chaotiques, on se sent en terrain connu. La région est la place de l’artisanat, la poterie de Quiroga est sublime et si on ne s’en achète pas, c’est qu’on sait que dans un camion pendant un an, elle ne survivra pas...
Arrêt ensuite à Patzcuaro, on réussit à se stationner en plein centro, place Saint-François d’Assise. La ville est superbe, la place centrale magique. Les maisons sont toutes blanches, les toits en terre cuite. Marcher dans la ville est la principale activité, on se croit encore une fois dans un musée. Le marché est chaotique à souhait, on y achète trois poissons pour le souper à 70 cents chacun ! Les garçons sont morts de rire car les poissons sont vivants et grouillent sur le présentoir. Le matin suivant, surprise ! Les pick-up et camions de livraison ont envahi la place où l’on a dormi bien peinards. On réussira à sortir, Christine au volant et moi dehors lui criant quoi faire : on réussit à passer avec à peu près deux centimètres de jeu à droite et à gauche : décidément, on apprend et on s’améliore !

Puis Morelia. Ville universitaire très importante qui se déclare aussi berceau de la révolution mexicaine. On ne refait pas la même gaffe qu’à Guadalajara, on repère une grosse rue sur laquelle on est sûr qu’il y aura des autobus et on s’éloigne le plus possible du centro. On se stationne au zoo pour la nuit, zoo qu’on visitera en passant. Faut croire que c’est ça un voyage avec des enfants : aller au Mexique pour visiter un zoo ! (ou pour manger dans un buffet chinois, à Guadalajara). Le lendemain, notre nouvelle technique est payante, un collectivo nous mène au centro en moins de deux. Les collectivo sont ici des mini-fourgonnettes dans lesquelles on entasse une dizaine de personnes à qui on charge 6 pesos (50 cents) pour le trajet. Les enfants n’ont pas arrêté de parler de papy car Élias a vu un Sprinter qui était un collectivo (même si la plupart sont des Nissan !). La ville de Morelia est sans doute la plus belle que j’ai vu depuis longtemps. Elle n’est pas patrimoine mondial de l’Unesco par hasard. Quand je vois le mal qu’ils se donnent à préserver et conserver leur pierres vieilles de 400 ans, je ne peux m’empêcher de me demander qui est sous-développé? quand je pense qu’on scrappe les maisons bicentenaires au Québec pour construire des centres d’achats… Et en me promenant dans les rues, voyant cette ville jeune active, moderne et à la fois fière de ses racines révolutionnaires, je me dis qu’on méconnaît grandement le Mexique. Pour nous, ce n’est souvent que l’image des Sancho ou Pancho dormant sous son sombrero comme dans Lucky Luke, adossés à un cactus qui nous apparaît. Le Mexique est aussi une terre de culture, ce que l’on découvre depuis une semaine et chacun de nous, à sa manière, est émerveillé. Morelia n’est que le point culminant de ce que nous voyons dans le Mexique colonial depuis une semaine. Je me surprends même à avouer à Christine, presque gêné, qu’il me serait plus facile de vivre ici à Morelia que n’importe où ailleurs aux Etats-Unis. Sa réponse : c’est évident; m’a fait sourire… Elle est comme Théo : ils sentent plus les choses que moi…
Passage ensuite à santa Clara del cobre où la spécialité est le cuivre. Enfin on peut acheter quelque chose qui ne cassera pas ! Ici on ne parle plus d’artisanat mais de véritables œuvres d’art. Mais malgré tout, il pleut à chaque jour, et la saison des pluies, même dans les montagne, est pluvieuse (pléonasme volontaire). On en a un peu marre et on décide de se rediriger vers la côte. Arrêt à Uruapan: on n’a ni gaz et presque plus rien à manger. Cette ville est la plus chaotique que j’ai vu. Seuls deux minces accès aux autoroutes qui donnent accès aux villes avoisinantes, sans parler des rues étroites: deux voies dans deux sens, et des gens stationnés ! alors le premier qui s’engage décide que c’est un sens unique de son bord, celui dans l’autre sens doit soit trouver un endroit pour se stationner, soit reculer, quand d’autres voitures lui collent au c… J’en serai quitte pour sortir dans un pied d’eau (la pluie tombe toujours !) à faire sortir Bertha de faux sens uniques avec Christine au volant qui tente de ne pas écouter ce que tous les autres passants et automobilistes lui crient ! Pour couronner le tout, un rassemblement politique a fermé les rues de tout le Centro, pas de chance. On réussira à sortir après plus d’une heure de tournage en rond, où l’on reprend finalement la route qui nous mène à la côte. La route est épouvantable, Bertha souffre, les enfants et les conducteurs aussi, mais on s’en sort. Arrêt à sept heures à Playa azul, à quelques minutes de la noirceur, nous qui nous étions promis de ne jamais rouler de nuit au Mexique. On est tous des champions, et en prime, nous avons droit à la mer et à un coucher de soleil sur le Pacifique.
Sur la route, entre Playa azul et Zihuatanejo, un gueling guelang m’alerte. Je m’arrête.
Mer… (pour ne pas dire Tabarn !!!) plus de tink d’eaux usées. Ma réparation-maison n’a pas tenu le coup, faut dire que le réservoir était plein et les cahos épouvantables, mais là n’est pas la question, on est encore amputés… Et c’est un peu moins drôle que la première fois : les nombreuses autos sur la route me font craindre le pire : si notre tink est crevée, on est dans la merde. Littéralement. On la retrouve dans un fossé après une heure de recherche. Ça prendra un soudeur… Et il faut faire vérifier les freins de Bertha qui chantent douloureusement depuis la descente de Uruapan à Playa Azul. Aux grands mots les grands remèdes, avant que notre monture ne devienne une scrapp ambulante, faut agir. On s’écrasera donc peinards dans un tout inclus pour QUATRE NUITS à Ixtapa, le temps de réparer Bertha, et de recharger nos batteries (au sens figuré)… Vous trouvez que quatre nuits c’est excessivement long ? C’est que les Mexicains ne sont pas vite vite… voici des jolis exemples : dans un resto sur le bord de la mer, on commande à midi quinze et on est servi à… deux heures trente ! Autre exemple: en arrivant à l’hôtel, on demande un lit de bébé, il est trois heures, après être allés voir la préposée cinq fois, nous avons notre lit de bébé à … neuf heures. On aurait voulu rester deux nuits dans notre tout inclus, puis on a dû rallonger notre séjour pour une nuit supplémentaire, puis on a dû encore rallonger notre séjour pour une quatrième nuit pour que Bertha soit prête à reprendre la route. Mais bon, le bon côté, c’est la vie de galérien dans un tout inclus, la piscine, les drink, les jugo de pina à volonté. Les gars n’ont en principe le droit de boire du jus qu’aux repas, mais comme c’est un tout inclus, on leur a fait comprendre que s’il voulait du jus, il devait aller le commander eux-mêmes au bar… Vous devriez voir Élias et Théo commander des jugo de pina au bar de la piscine, c’est assez tordant. (vous devinerez qu’ils ont laisser tomber l’idée de boire du jus d’orange (jugo de naranja), ça prend un palais solide pour le prononcer, vous en parlerez à Jean-Yves et Ginette).
Nous avons eu la chance, à notre arrivée, de participer à la libération de bébés tortues dans l'océan. Les employés de l'hôtel avait récupéré les oeufs d'une tortue venue pondre sur la plage et une fois les oeufs éclos, ils nous ont invité à mettre les bébés tortues sur la plage pour qu'elle rejoignent l'océan. Magnifique spectacle que nous avons tous apprécié.
Bref, après quatre jours de farniente pour nos trois... pour nous un peu moins... et des réparations sur Bertha, on est prêt à repartir.
Et pour la confiture et la culture, vous devez savoir que je préfère le beurre de pinottes, mais une bonne confiture, une fois de temps en temps… C’est comme la culture… Dominique Meunier (qui doit rire dans sa barbe (au sens figuré)) pourrait vous expliquer comment du haut de ma sagesse de mes 24 ans, je décrétais tout haut tout fort que je n’étais pas vieilles pierres… Eh bien mille pardons à Do, je le suis peut-être plus que je ne le pensais, c’est comme la confiture et le beurre de pinottes.
Salut la famille! Je viens juste de terminer la lecture de vos plus récents périples aux États-Unis du Mexique. Vraiment super! C'est la première entrée du voyage que je lis, je vais tenter de rattraper mon retard en allant tout lire. Bon voyage les amis!
RépondreSupprimerFrancis de Gatineau
Wow, quelle générosité de ta part, Jean-François, de nous relater toutes vos péripéties avec minutie. Il y a tant de richesses dans ton message, que je ne sais à quoi réagir. Tu me donnes envie de visiter Morela (J'ai retenu que c'est une ville universitaire...à voir s'il y a du nursing...ahah...pour y retourner..vous visiter:-)Patzcuara est mon genre de ville...cela a l'air sympa comme endroit...et l'aventure avec les tortues, quel merveilleux moment magique pour les enfants. On vous embrasse tous, et on tient le fort...
RépondreSupprimerLes mésaventures de Bertha et le bonheur d'une famille en route ( dixit Gaston )
RépondreSupprimerOn vous suit avec grand intérêt et bien évidemment en espérant que les pépins soient moins fréquents ...ça demande quand même beaucoup d'énergie . Mais de vous lire et de découvrir ces coins de pays à travers vos yeux ,l'adaptation et les sourires des enfants nous comble de bonheur et de fierté.
La publication d'un commentaire ...ce fut long mais heureusement ,ce ne fut pas peine perdue .
On vous embrasse et on vous aime tellement